«Bon matin Chuck»: Vivre dans le déni

Nicolas Pinson dans la série «Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits)»
Photo: Bell Média Nicolas Pinson dans la série «Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits)»

À la barre de Bon matin, un café ?, populaire émission de télévision matinale, Charles « Chuck » Bélanger (Nicolas Pinson) voit son destin basculer après avoir été littéralement pris les culottes baissées par la police un lendemain de veille. Largué par sa blonde (Nathalie Doummar), son agente (Marilyn Castonguay), ses commanditaires, ses admirateurs, Chuck est alors approché par Marie Chagnon (Chantal Fontaine), une médecin qui dirige une maison de rétablissement pour les gens souffrant de diverses dépendances.

Or, malgré le scandale qui a secoué tout le Québec, Chuck, un bon gars qui aime faire la fête, refuse de croire qu’il a un problème de consommation d’alcool et de cocaïne.

« Bon matin Chuck, c’est une série sur la dépendance des gens ordinaires qui traite d’un sujet lourd avec humour et bienveillance sur un ton résolument moderne », résume Sophie Parizeau, directrice générale de la fiction chez Bell Média.

Il y avait beaucoup d’émotion dans l’air à la Cinémathèque québécoise mercredi matin à la projection des deux premiers épisodes de Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits), série de 10 épisodes de 60 minutes sélectionnée en compétition officielle à Canneseries en avril dernier. Il faut dire que le sujet touchait de près quelques-uns des artistes et artisans de cette série produite par Lou Bélanger, Marieme Ndiaye et Rafael Perez de St-Laurent TV, en collaboration avec Bell Média, Connect3 (Pablo Salzman) et Cineflix Media, distributeur à l’international.

« Ça résonnait pour du monde dans le casting, dans la production, dans la diffusion, pour Jean-François [Rivard] et Mathieu [Cyr]. On a tous nos histoires de toxicomanie et de dépendances. J’ai réussi à m’en sortir, mais j’ai travaillé très fort. J’ai commencé à rire de moi quand j’ai compris qui j’étais. Je voulais déstigmatiser la dépendance parce qu’elle fait peur et qu’elle fait mal et qu’on ne sait pas comment l’aborder », confie Nicolas Pinson, de qui est inspirée la série écrite et réalisée par Jean-François Rivard, avec la collaboration à l'écriture du co-réalisateur Mathieu Cyr et des scénaristes Sarianne Cormier et Patrick Dupuis.

Constatant que ses anecdotes faisaient « pleurire » ses amis, l’acteur les a alors racontées au réalisateur Mathieu Cyr dans l’espoir d’en tirer une série Web. Après avoir tourné un démo, tous deux l’ont présenté à Jean-François Rivard, qui n’a pas hésité à embarquer dans le projet et à le proposer à Crave. « C’est son talent qui m’a amené là », dit le réalisateur de C’est comme ça que je t’aime en regardant Cyr, avec qui il a partagé la réalisation des épisodes de Bon matin Chuck.

Dans le blanc des yeux

Tournée en grande partie à Sherbrooke afin de déraciner le personnage central, la série surprend d’emblée par ses images en noir et blanc. « L’essence d’un comédien, c’est en noir et blanc que tu la vois, croit Jean-François Rivard. Je sentais que ça devait se tourner en noir et blanc afin de créer le filtre qui s’installe entre une personne qui boit beaucoup et les autres. Dans une maison où tout le monde souffre de toxicomanie, peu importe qui t’es, ta classe sociale, ton environnement, il n’y a pas de pardon : tout le monde est pareil et a les mêmes symptômes. Ce filtre noir et blanc unifiait tous nos personnages. »

Ça résonnait pour du monde dans le casting, dans la production, dans la diffusion, pour Jean-François [Rivard] et Mathieu [Cyr]. On a tous nos histoires de toxicomanie et de dépendances. J’ai réussi à m’en sortir, mais j’ai travaillé très fort. J’ai commencé à rire de moi quand j’ai compris qui j’étais. Je voulais déstigmatiser la dépendance parce qu’elle fait peur et qu’elle fait mal et qu’on ne sait pas comment l’aborder.

 

« C’est un show de regards, poursuit Mathieu Cyr. Ce n’est pas toujours ce que le personnage dit qui est important, mais ce qu’on voit dans les yeux de l’autre qui l’écoute. Je trouvais aussi que le noir et blanc faisait ressortir les lignes de la maison, les scènes de nuit. Pour moi, le noir et blanc, c’est revenir à l’essentiel… même si Nicolas a de beaux yeux bleus. »

« Ce show-là, je l’ai écrit à un seul point de vue, explique Rivard. C’est juste Chuck qui nous emmène à comprendre ce qui se passe, comme dans un show de détective. Donc, Nicolas est de presque toutes les scènes. En voyant mon ami aussi talentueux, la connexion et la complicité qu’on avait, j’ai découvert un acteur avec qui j’ai envie de travailler tout le temps. »

Enfant blessé

Outre ses images en noir et blanc inspirées notamment de Répulsion de Roman Polanski, Bon matin Chuck étonne avec ses segments d’animation mettant en scène un petit dragon. Réminiscences des Invincibles ? Plutôt de C’est la grosse citrouille, Charlie Brown que regardait la fille de Jean-François Rivard au moment où la série se développait.

« En entendant la musique jazz, je me suis dit que Chuck, c’était Charlie Brown, se souvient le réalisateur. Je m’en suis donc inspiré pour driver la série. Ensuite, je suis tombé sur l’une de mes pièces préférées de Lee Hazlewood, First Street Blues, dans laquelle il raconte l’histoire de Leeroy, un petit dragon que personne comprend, qui se choque, qu’on essaye de détruire et qui tombe dans la boisson, qu’il finit par préférer aux gens. Ce Leeroy-là représente l’enfant blessé de Chuck parce que les traumas et les choses pas réglées qui nous amènent à consommer sont souvent reliés à l’enfance. »

« C’est aussi un petit clin d’oeil à Grisou, le petit dragon qui voulait être pompier et qui voulait tellement bien faire, ajoute Nicolas Pinson. Quand tu veux arrêter de consommer, tu veux tellement bien faire, tu veux tellement pas faire de mal, mais à la fin, quand tu reçois les clés de la ville, tu crisses le feu au village parce que t’es tellement émotif. »

Parlant de fin, quel sort attend donc Chuck, la docteure Chagnon, l’intervenant Gilles (Bernard Fortin) et les résidents de la maison, Lionel (Sylvain Marcel), Nathalie (Amélie B. Simard), Joël (Hugo Dubé), Thalia (Lyna Khellef) et Suzanne (Claire Jacques, qu’on n’a jamais vue aussi bouleversante) ?

« Il y a un potentiel pour une suite, mais comme je l’avais fait pour les trois saisons des Invincibles, dans le dernier épisode, je travaille toujours pour qu’il y ait un sentiment de conclusion. Je ne veux pas finir avec un cliffhanger au cas où la série ne reviendrait pas parce qu’on dirait que c’est triste et pas respectueux », conclut Jean-François Rivard.

Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits)

Les deux premiers épisodes seront diffusés sur Crave dès le mercredi 24 mai.

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