Michael J. Fox: au-delà de l’idole adolescente

Disponible sur Apple TV+ vendredi, Still: A Michael J. Fox Movie (Tenace. L’histoire de Michael J. Fox) s’attarde sur le quotidien de l’acteur atteint de la maladie de Parkinson, tout en revisitant son passé. Signé Davis Guggenheim, ce portrait inventif sur le plan formel et émouvant sur le plan humain incorpore maints extraits de films de Fox à des reconstitutions de passages de sa vie. Ingénieux, le procédé a, entre autres effets, celui de donner envie de se replonger dans la filmographie, plus complexe qu’on pourrait le croire, de cet acteur qui fit mentir les pronostics en devenant une star incontournable des années 1980-1990.
Michael Andrew Fox vient au monde loin de Hollywood, à Edmonton, en Alberta, en 1961. Son père est un vétéran de l’armée canadienne et sa mère, une préposée à la paie doublée d’une actrice. Un métier pour lequel fiston a très tôt la piqûre, apparaissant à l’adolescence dans des séries et des publicités canadiennes. Dès sa majorité, il part tenter sa chance à Los Angeles.
À 18 ans, sans le sou, il court les auditions sous le nom de Michael Fox, mais sa petite stature l’empêche d’être considéré pour les rôles de jeune premier. En 1980, il apparaît dans la comédie adolescente Midnight Madness (Magie de minuit), et en 1982, dans le futur film culte Class of 1984 (La classe de 1984).
La même année, le vent tourne en sa faveur, et pas qu’un peu. Malgré l’avis d’un des producteurs, qui, justement, le trouve trop petit, celui qui vient de changer son nom pour Michael J. Fox puisque « Michael Fox » était déjà pris obtient le convoité rôle d’Alex, le fils républicain et conservateur du clan Keaton dans la comédie de situation Family Ties (1982-1989).
La performance comique de Michael J. Fox fonctionne à un point tel que son personnage devient le moteur de la série de NBC qui, au faîte de sa popularité, est suivie par le tiers des foyers américains.
Triomphe précoce
Or, cette notoriété télévisuelle passe à un cheveu de faire dérailler la carrière cinématographique de l’acteur avant même qu’elle ne commence. En effet, lorsque le réalisateur Robert Zemeckis lui offre le rôle de Marty McFly dans la comédie fantaisiste Back to the Future (Retour vers le futur), les bonzes de NBC refusent de prêter « leur » star, très prise par les enregistrements de Family Ties. Un autre acteur est embauché (Eric Stoltz) puis renvoyé, et dans l’intervalle, un compromis survient entre NBC et la production de Steven Spielberg : grosso modo, Michael J. Fox tournera la sitcom de jour, et le film, de nuit.
En 1985, le succès de Back to the Future, où Fox est transporté dans le passé et doit s’assurer que ses « futurs » parents tombent amoureux, est phénoménal. Premier au box-office nord-américain, le film est suivi en deuxième place par la comédie horrifico-fantaisiste Teen Wolf, qui met également en vedette l’acteur, en collégien loup-garou. Tout cela, alors que Family Ties continue de dominer dans son créneau télévisuel.
Fox est alors l’incarnation du « preppy » bon chic bon genre qu’il fait bon présenter aux parents. Dans la critique de Back to the Future du Hollywood Reporter, on écrit de lui qu’il a « l’air intelligent ». C’est un compliment, évidemment, mais pour le statut de héros romantique, on repassera. En 1987, Fox prouve qu’il peut l’être dans The Secret of My Success (Le secret de mon succès). Dans ce Cendrillon version Wall Street emblématique de l’ère Reagan, une jeune femme succombe à ses charmes, et avant elle, une femme plus mûre. Là encore, il fait mentir les a priori à son sujet.
Un acteur dramatique
C’est d’ailleurs à cette époque que les choix professionnels du comédien deviennent intéressants. De fait, à partir de 1987, on observe une alternance de films légers, en phase avec le statut d’idole adolescente dont jouit Fox, et de films graves. Ainsi, à The Secret of My Success succède Bright Lights, Big City (Les feux de la nuit), sur un aspirant journaliste cocaïnomane.
Cette tension entre le chouchou des ados et l’acteur « sérieux » n’est jamais aussi apparente qu’en 1989, avec les sorties successives du remarquable Casualties of War (Victimes du Vietnam), qui se plante, et du médiocre Back to the Future Part II (Retour vers le futur II), qui rapporte une fortune. Dans le premier, Fox est un vétéran hanté qui dénonce le viol et le meurtre d’une jeune Vietnamienne commis par ses frères d’armes, et dans le second, il renoue avec les frasques spatiotemporelles de Marty McFly.
Cumulant des recettes moindres, en dépit de la cote d’amour de Fox, ces films à teneur dramatique sont fascinants parce que l’acteur, outre qu’il s’y affranchit du registre comique auquel il doit pourtant sa renommée, tente manifestement d’y casser l’image proprette qui lui colle à la peau à cause de (ou « grâce à » : c’est le paradoxe) Family Ties.
Après le succès de Back to the Future Part III (Retour vers le futur III) ainsi que les réussites modestes que sont The Hard Way (Jouer dur), où il campe avec brio un acteur de cinéma imbu de lui-même, et Doc Hollywood, où il joue un chirurgien superficiel, vient une succession de flops : Life with Mikey (L’enfance de l’art), For Love or Money (Le concierge), Greedy (Les héritiers affamés).
En amont, Michael J. Fox a reçu, à 29 ans, le terrible diagnostic que l’on sait, et c’est la perspective de n’en avoir plus pour longtemps à pouvoir travailler qui le pousse à accepter certains de ces projets. Ses médecins lui prédisent dix années d’activité professionnelle. À eux aussi, Fox donnera tort.
Un dernier premier rôle
En 1996, alors qu’il a réussi à développer différents subterfuges et tics visant à cacher à la caméra les symptômes de sa maladie, tels les tremblements, Fox trouve l’un de ses meilleurs rôles dans The Frighteners (Chasseurs de fantômes), de Peter Jackson, que produit nul autre que Robert Zemeckis. En chasseur de fantômes malhonnête, mais qui possède un vrai don, Fox allie les registres comique et dramatique qu’il a, sa carrière durant, cherché à concilier, avec qui plus est en toile de fond une pléthore d’effets spéciaux comme au temps de Back to the Future.
De seconds rôles savoureux suivront, comme dans The American President (Le président américain) et Mars Attacks ! (Mars attaque !), mais c’est dans The Frighteners qu’il tiendra son dernier premier rôle au cinéma.
Le vedettariat n’est pas terminé pour autant, en témoigne la série télé Spin City (1996-2001), où Fox joue un député-maire de New York harassé. Au petit écran toujours, il continue de prendre plaisir à égratigner son image, quoi qu’il fasse, attachante : dans la série The Good Wife, il campe un avocat sans scrupule qui utilise éhontément sa maladie pour s’attirer la sympathie de la cour.
On ne peut qu’être admiratif devant la détermination de Michael J. Fox à refuser la facilité. Conscient que le public le suivrait dans un certain registre, Fox aurait pu s’y complaire. Lui qui, avec ses traits juvéniles et son physique menu, n’était pas promis au vedettariat a au contraire pris le risque de déplaire. Cela, avec la même constance et la même obstination qu’on le voit afficher, à 62 ans, face à la maladie de Parkinson. Respect.
Plier sans rompre
Lauréat de l’Oscar du meilleur documentaire pour An Inconvenient Truth, Davis Guggenheim brosse, dans Still: A Michael J. Fox Movie, le portrait intime, poignant, mais drôle également de la bien-aimée idole des années 1980-1990. Atteint de la maladie de Parkinson, l’acteur devenu militant est filmé dans son quotidien et s’ouvre avec générosité, et un sens marqué de l’autodérision, à la caméra. Dans ses reconstitutions de passages clés de l’existence de Fox, le réalisateur recourt à des acteurs de différents âges (dont on ne voit pas le visage afin de ne pas rompre la magie), mais, surtout, à des extraits de films de la vedette : un procédé original et efficace. Il en résulte un documentaire aux allures de collage qui, pour autant, n’est jamais brouillon. Davantage de profondeur aurait toutefois été bienvenue, mais en l’état, Still constitue un bel hommage à un artiste inspirant.
François Lévesque