«White House Plumbers»: un portrait macaronique des besogneux d’un scandale

La chute du président Richard Nixon a débuté avec l’arrestation, dans la nuit du 17 juin 1972, de cinq hommes introduits par effraction dans les bureaux du Parti démocrate au complexe immobilier Watergate de Washington. La minisérie White House Plumbers raconte avec beaucoup d’entrain tragicomique qui étaient ces petits rouages d’une grande machine à magouilles.
C’est donc l’envers des Hommes du président, film inspiré du récit des deux journalistes qui ont mené l’enquête du Watergate, réputé plus grand scoop de l’histoire du journalisme. Les stars du film sont à peine évoquées dans le nouveau portrait de groupe. Il fallait quand même une certaine audace pour choisir ce sujet exploré par d’autres productions, y compris en série télé par Gaslit l’an dernier, avec Julia Roberts dans le rôle de la lanceuse d’alerte de cette rocambolesque aventure.
La finesse de la scénarisation, la justesse de la reconstitution, la qualité du jeu ainsi que le traitement décalé et ironique justifient parfaitement le nouveau grand coup fictionnel. La perspective se concentre sur le duo formé par G. Gordon Liddy (Justin Theroux, toujours inquiétant) et E. Howard Hunt (irréprochable Woody Harrelson), deux ex-agents du renseignement qui deviennent volontairement les exécutants des basses œuvres du comité pour la réélection de la crapule présidentielle. Ces plombiers n’ont pas peur de plonger leurs mains dans la merde.
Justin Theroux arbore une moustache aussi fournie qu’une moumoute et se révèle toujours prêt à en faire plus que le très puissant client en demande. Il n’éprouve jamais de doutes ni de remords. Il élabore constamment de nouveaux plans foireux. Sa passion immodérée pour les nazis le rend encore plus déstabilisant.
Woody Harrelson incarne un personnage plus sensé, mais aussi plus tragique avec une situation familiale pour le moins compliquée. Il devient à la fois pathétique et sympathique.
Les deux espions inaptes se rejoignent dans une détestation complète des gauchistes et des pacifistes (la guerre du Vietnam fait rage) avec une hargne bien assumée contre les vedettes hollywoodiennes, de Paul Newman à Jane Fonda. Des références sont faites aux rôles réels de Hunt dans plusieurs actions de la CIA, dont l’invasion ratée de la baie des Cochons et l’assassinat de Che Guevara.
L’avertissement placé au début de chaque épisode le dit bien : les noms et les personnages de cette histoire sur l’histoire n’ont pas été changés puisque, de toute manière, à peu près tout le monde dans cet ensemble hétéroclite a été reconnu coupable. Le président lui-même n’est d’ailleurs pas incarné par un acteur : Nixon apparaît dans des bouts d’archives comme pour mieux rappeler que derrière ce divertissement loufoque à souhait se cache une vraie de vraie triste histoire.
L’exposé des opérations antérieures à l’arrestation amène constamment à se demander comment le pouvoir le plus puissant de la planète a pu faire confiance à des amateurs semblables. Les incompétents en embauchent d’autres, et les beaux plans finissent immanquablement par foirer. La paire a recours à un trio de petits truands cubano-américains tellement gaffeurs qu’il semble sorti d’un film des frères Coen. La toute première scène montre la deuxième tentative de l’équipée improbable et improvisée pour entrer dans les locaux du Parti démocrate du Watergate. Il lui faudra deux autres tentatives pour y arriver et marquer le siècle involontairement.
Cette délicieuse production a été concoctée par le showrunner David Mandel, à qui l’on doit Veep. Il a travaillé avec les scénaristes Alex Gregory et Peter Huyck, qui étaient aussi au centre de la comédie politique proposant un portrait quasi bédéesque de la vice-présidence américaine. Cette série entièrement imaginaire permettait beaucoup plus d’audace, jusqu’aux caricatures bouffonnes. La production Les plombiers de la Maison-Blanche doit quand même respecter certains canevas réels tout en y insérant des éléments imaginaires, ne serait-ce que les dialogues.
Le tout laisse l’impression qu’il y a quand même très longtemps que la grande démocratie américaine dérape. Les politiques et pratiques de discrimination et de racisme ont perverti cette république dès son fondement (en 1776 ou en 1619, comme l’on voudra). Les mensonges de l’empire ont récemment justifié des guerres qui ont aggravé les problèmes sociopolitiques au Moyen-Orient. La présidence de Donald Trump terminée dans l’assaut contre le Capitole fait même passer la tentative de vol au Watergate il y a 51 ans pour des enfantillages.
Bref, les leaders en général et le Parti républicain en particulier ne cessent de s’enfoncer de plus en plus profondément dans les égouts de l’histoire. Cette série loufoque sur un sujet sérieux montre en quelque sorte par les coulisses les origines du drame amplifié de décennie en décennie. On rit beaucoup, mais, finalement, il n’y a rien de drôle.