Radio-Canada retire le documentaire «Péter la balloune» de ses plateformes numériques

Jugeant que le documentaire Péter la balloune avait enfreint ses normes et pratiques journalistiques en commettant plusieurs erreurs factuelles, Radio-Canada l’a récemment retiré de ses plateformes numériques. Le journaliste Hugo Meunier déplore la situation, estimant que son enquête reste d’intérêt public et ne méritait pas de disparaître de l’espace public.

« Je m’explique mal ce retrait, alors que les choses reprochées ne dénaturent en rien l’essence du documentaire et auraient pu être corrigées. […] Il me semble que ça devrait être le rôle de Radio-Canada d’aller au bâton pour défendre des documentaires d’intérêt public de ce type », laisse tomber Hugo Meunier en entrevue au Devoir, mardi.

Je ne comprends pas pourquoi il n’a pas été possible de simplement modifier ces erreurs techniques après coup

Dans Péter la balloune, diffusé sur ICI Télé en décembre dernier, le journaliste s’interrogeait sur les conséquences de la consommation d’alcool sur notre santé et sur le rôle que joue la Société des alcools du Québec (SAQ) dans l’équation. Le documentaire a fait le tour des médias et a été salué tant par le public que par les experts du milieu de la santé.

Or, dans les dernières semaines, le documentaire a disparu des plateformes numériques de Radio-Canada. Recevant de nombreux messages de citoyens surpris par la situation, Hugo Meunier a voulu s’exprimer publiquement mardi. Dans une publication Facebook, il a expliqué que le diffuseur l’avait retiré en catimini à la suite d’une plainte déposée à l’ombudsman.

En entrevue, la direction de l’information de Radio-Canada a confirmé avoir « retiré le documentaire avec regret ». C’est en effet à la suite d’une plainte déposée le 3 mars par l’ancien directeur général d’Éduc’alcool Hubert Sacy — qui apparaît dans le documentaire — que le diffuseur public a pris cette décision. Sur les nombreux griefs, la direction en a retenu trois, et elle a retiré le documentaire le 6 avril.

« Erreurs journalistiques »

« L’enjeu abordé dans le documentaire est d’intérêt public et extrêmement important. Le storytelling est intéressant, et c’est pour tout ça qu’on l’avait acheté à Blimp Télé. Par contre, on a trouvé des erreurs journalistiques qui ne correspondent pas à nos normes et pratiques […], on ne pouvait pas le laisser en ligne », précise la directrice de l’information, Luce Julien.

À ses côtés, la première directrice, enquêtes, nouvelles et contenu original, Dominique Poirier, évoque des erreurs de faits, mais aussi des erreurs dans la démarche journalistique. Parmi les reproches retenus : une erreur sur la personne et donc une confusion dans la présentation du métier d’un membre du CA d’Éduc’alcool, une erreur dans la présentation du mandat d’Éduc’alcool, mais aussi une citation de M. Sacy prise hors contexte.

De son côté, Hugo Meunier assure que le travail qu’il a mené avec le réalisateur Gabriel Allard Gagnon et l’équipe de Blimp Télé n’a aucunement été bâclé. « De ces trois [affirmations] retenues, aucune n’entachait la véracité globale du documentaire ni son intérêt public, souligne-t-il. Je ne comprends pas pourquoi il n’a pas été possible de simplement modifier ces erreurs techniques après coup. Pourquoi Radio-Canada n’a pas fait les vérifications avant de le diffuser à une heure de grande écoute même ? »

La direction soutient que ce n’est pas son travail, en tant que diffuseur, de refaire la vérification des oeuvres venant de maisons de production extérieures. Par ailleurs, pour corriger le documentaire, il aurait fallu que Blimp Télé rouvre le projet et reprenne plusieurs éléments, note Mme Poirier.

Une avenue qui n’a pas été envisagée par Blimp Télé, qui travaille régulièrement avec le diffuseur public. « Je suis déçue, mais je suis derrière Radio-Canada dans cette décision. On a fait des erreurs de faits et on l’assume. Honnêtement, je ne suis pas journaliste, je ne fais pas de l’information, alors j’ai préféré me fier au jugement de Radio-Canada, qui a une expertise dans ce domaine », a déclaré la présidente de la compagnie, Mylène Ferron.

Ça n’enlève rien à « l’excellence du documentaire », dit-elle, ni au travail acharné de son équipe. « Je comprends la déception. Surtout que je ne peux pas me revirer de bord et envoyer le documentaire à d’autres, puisque Radio-Canada a une licence de diffusion pour cinq ans », ajoute-t-elle.

« Je trouve ça frustrant, confie pour sa part Hugo Meunier. C’est dommage de tirer un trait définitivement sur un documentaire qui a déjà contribué à changer notre perception sur notre consommation d’alcool et pourrait devenir une référence, dans l’intérêt de la santé individuelle et publique. »

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