«Kaléidoscope»: Une histoire haute en couleur

Une scène tirée de la télésérie d’action Kaléidoscope créée par Eric Garcia
Photo: Clifton Prescod Netflix Une scène tirée de la télésérie d’action Kaléidoscope créée par Eric Garcia

Vert, rouge, bleu, orange, etc. À chacun des huit épisodes correspondent une couleur et l’une des pièces du puzzle de cette histoire hors du commun. Kaléidoscope suit ainsi, sur une période de 25 ans, un maître du braquage et son équipe tandis qu’ils planifient scrupuleusement un coup — celui de toute une vie — à 7 milliards de dollars dans l’une des institutions les plus sécurisées des États-Unis.

Mais à la différence des séries traditionnelles, où le téléspectateur regarde une saison épisode par épisode dans un ordre chronologique bien calibré, Netflix laisse au public la discrétion de choisir l’ordre de visionnement de Kaléidoscope sans que jamais cela n’altère la qualité du récit et sa compréhension. Seule contrainte imposée par le géant de la diffusion : il faut commencer par l’épisode « Noir », en quelque sorte une brève immersion dans cette trame narrative en forme de mille-feuilles dans laquelle sont annoncées « les règles du jeu », et terminer par celui appelé « Blanc », qui relate ce fameux vol de grande ampleur. Entre les deux, évidemment, nous avons tout le loisir de nous perdre dans les méandres de cette histoire vertigineuse du grand banditisme de façon aléatoire et non linéaire.

Inutile de préciser que ce mode opératoire est un véritable bonbon pour les amateurs de séries et de films qui aiment qu’on les sorte de leur zone de confort, qu’on leur fasse miroiter qu’ils ont un rôle à jouer dans la fiction ou, en tout cas, qu’on s’amuse avec leur perception. De ce fait, Kaléidoscope ne pourrait pas mieux porter son nom puisque (dés)illusions et émotions en montagnes russes sont au rendez-vous et que les « couleurs » de la série s’imbriquent les unes dans les autres à notre guise, que nous pouvons interpréter l’ensemble selon notre propre prisme. Au final, il existe autant d’intrigues possibles que de combinaisons de couleurs et nous pourrions re-regarder Kaléidoscope presque à l’infini et découvrir chaque fois de nouveaux détails qui auraient pu nous échapper jusque-là.

À y regarder de plus près, tous les épisodes de Kaléidoscope se déroulent donc dans une temporalité différente et le créateur de la série Eric Garcia (Virgin Secrets) s’est donné un malin plaisir à nous faire perdre toute notion du temps, ce qui ouvre les portes d’une nouvelle dimension en ce qui concerne la compréhension. On passe de 24 ans avant les faits à la veille du cambriolage en un claquement de doigts, et le visionnement n’en devient que plus palpitant. Le cerveau, héros de Kaléidoscope, Leo Pap, brillamment incarné par le comédien Giancarlo Esposito (Breaking Bad), est ainsi le fil conducteur qui donne l’impression au téléspectateur de garder un semblant de lucidité. Tant qu’à parler de la distribution, saluons également les performances de Paz Vega (Grace de Monaco), qui est une avocate spécialiste des armes et alliée de Leo Pap, et de Tati Gabrielle (Uncharted), qui est ici Hannah Kim, la fille dudit criminel.

Aussi abracadabrant que cela puisse paraître, le créateur de la série, Eric Garcia, s’est par ailleurs inspiré d’un braquage pour le moins énigmatique, qui serait arrivé en sol américain après l’ouragan Sandy en 2012, lorsque quelque 70 milliards de dollars auraient mystérieusement disparu de la Depository Trust Company de Manhattan. Cet événement, Netflix et le cinéaste se sont amusés à le distiller de part et d’autre du scénario, brouillant encore plus les pistes et embarquant les téléspectateurs dans une spirale d’imagination infinie puisque, évidemment, jamais on ne sait quelle est la part de la fiction et celle du réel, ce qui peut parfois nous faire perdre la raison…

Enfin, sans vouloir divulgâcher quoi que ce soit, l’épisode « Vert » est certainement — ou pas, et c’est précisément cette confusion permanente qui rend la série hautement addictive — l’un des plus palpitants à regarder. On y cerne notamment mieux la personnalité de Leo Pap — ou peut-être est-ce Ray ? Qui sait ! — et on y découvre aussi que le passé de chacun des personnages est étrangement lié… Et que dire de cette géniale scène d’évasion qui, on l’espère fortement, deviendra culte ? Une fois encore, grâce à celle-ci, Eric Garcia prouve qu’il a magistralement su répandre un peu de psychédélisme dans les moindres recoins de Kaléidoscope, une fiction qui n’est pas sans rappeler la haute voltige criminelle que l’on retrouve dans les films de Quentin Tarantino, comme Pulp Fiction et Reservoir Dogs, ou bien dans les meilleurs films noirs français des années 1950.

Kaléidoscope est donc une à regarder sans modération, autant de fois que nécessaire !

Kaléidoscope

Netflix, dès le 1er janvier

À voir en vidéo