«La grande veillée»: Stéphane Archambault accueille le trad à la télé

La première fois que Stéphane Archambault a eu un coup de foudre pour le trad, c’est dans un appartement du Plateau Mont-Royal. Dans une fête de jeunes, deux gars, avec un violon et une guitare, ont commencé à jouer.
« Mon illumination folklorique m’est venue très tard, dans la vingtaine. J’étais étudiant à l’école de théâtre. Je me ramasse dans un party de jeunes du Plateau, où ça jase et ça danse un peu. Et il y a deux gars qui sont arrivés avec une guitare et un violon. Ils ont éteint la musique et ils ont dit : “On va faire une couple de tounes.” Ils se sont mis à faire des reels. Le party a tellement levé, ça n’avait aucun bon sens. Il y a quelque chose de complètement viscéral dans le trad », raconte-t-il.
Depuis, Stéphane Archambault a abondamment puisé de l’inspiration dans le répertoire traditionnel, en écrivant les chansons du groupe Mes Aïeux, qui mêlait allègrement folklore, rock et pop.
Cette année, il reprend le flambeau du folklore francophone d’Amérique, et il le tiendra tout au long des douze épisodes d’une heure de La grande veillée, qui prend l’affiche à ICI Artv.
En tant qu’animateur, il y recevra des groupes trad francophones de différents horizons, en plus de mener des entrevues devant public.
Son but, c’est de faire connaître les groupes de folklore et de donner le goût aux téléspectateurs de fréquenter l’un des 40 festivals de trad qui se déploient au Québec chaque année.
Une trâlée de jeunes
« Pour y être allé quelques fois, je peux dire que c’est fascinant de voir à quel point ces festivals-là sont vivants. Ce ne sont pas des festivals de l’âge d’or. Il y a toute une trâlée de jeunes qui s’y intéressent et c’est hypervivant », constate-t-il.
Et au-delà des festivals, partout au Québec des dizaines de musiciens se retrouvent, dans un salon ou dans un bar, pour se lancer dans une jam session à faire pâlir des DJ de discothèque. « Des fois, il peut y avoir 20 ou 30 violoneux ensemble », dit-il.
En entrevue, Stéphane Archambault constate que le trad fait partie de ces catégories de musique qui évoluent constamment, qui rejoignent des générations de jeunes, mais qu’on ne diffuse pas dans les grands médias, sauf, bien sûr, dans le temps des Fêtes.
En fait, la référence à la musique traditionnelle à la télévision remonte souvent à La soirée canadienne, comme l’évoquait Anaïs Barbeau-Lavalettedans le spectacle Pas perdus, qui porte sur la gigue, et qu’elle a signé avec Émile Proulx-Cloutier. Dans ce spectacle, elle tente d’ailleurs d’établir d’où nous vient une certaine honte de la musique traditionnelle.
« On a un rapport tordu avec notre folklore, reconnaît Stéphane Archambault. Peut-être parce que c’est une musique identitaire. »
Or, le chanteur et comédien veut à son tour dépoussiérer tout ça, en convoquant des artistes professionnels dans des décors « psychotroniques ». En fait, la série a été entièrement tournée au théâtre L’Escaouette, à Moncton, au Nouveau-Brunswick. « Ce sont des musiciens qui font énormément rayonner le Québec à l’étranger », dit-il.
Un folklore au sens large
Pour son émission, il a décidé d’interpréter le mot « folklore » au sens très large, et on peut y voir par exemple le groupe Les Gars du Nord interpréter 23 décembre de Beau Dommage. « Comme c’est le temps des Fêtes, on étire un peu la patente », dit-il, jusqu’au folk et au bluegrass, par exemple, avec la musique de la Louisiane. « Mais notre noyau dur est le traditionnel folklorique. »
À travers Mes Aïeux, il a « découvert des musiciens hallucinants, et une histoire de transmission extrêmement riche ». Avec cette émission, il veut partager ses découvertes.
Pour lui et pour ces musiciens, cet héritage est « un matériau avec lequel on peut s’amuser, et pas uniquement dans le rigodon québécois ». « On s’est dit qu’on allait faire une émission sur les musiques traditionnelles de l’Amérique francophone. Cela peut être de la musique instrumentale ou des chansons en français. »
On retrouvera à son micro des groupes du Québec, mais aussi des Maritimes, de la Saskatchewan et de la Louisiane. Dans les Maritimes, on entend des influences celtiques et écossaises, alors qu’au Québec, les sources sont plutôt françaises et irlandaises, et un peu écossaises. « On va aussi chercher des groupes de la Louisiane, nos cousins acadiens du Sud. L’idée, c’est de mêler les générations et les accents. »
On va jusqu’à présenter certaines versions bilingues, comme la chanson Des mitaines pas d’pouces, originalement écrite par Ovila Légaré, que Mary Beth Carty, originaire de la Nouvelle-Écosse, a rebaptisé Squeegee.
Dans notre folklore, il y a un instrument qu’on possède tous, ce sont nos pieds. Moi, je trouve que tout le monde devrait faire de la podorythmie au primaire, dans le cadre des cours d’éducation physique.
Ce passage de flambeau entre les générations semble prendre les couleurs des époques. « Si on veut passer la puck aux autres générations, on ne peut pas juste taper du pied pis jouer de la cuillère », dit un musicien interrogé dans le spectacle. Aussi des groupes de jeunes comme É.T.É. font-ils de la musique traditionnelle avec bouzouki et violoncelle, mais aussi avec de la gigue. C’est d’ailleurs grâce à É.T.É., et à la jeune gigueuse Élisabeth Moquin, que la gigue s’est taillé une petite place dans la programmation de La grande veillée.
« Dans notre folklore, il y a un instrument qu’on possède tous, ce sont nos pieds. Moi, je trouve que tout le monde devrait faire de la podorythmie au primaire, dans le cadre des cours d’éducation physique », dit Stéphane Archambault.
Entre autres coups de coeur, il parle aussi de cette émission où la région de la Mauricie est en vedette, avec les groupes Les Grands Hurleurs et Les Tireux d’roches, alors que la truculence du vocabulaire des uns complète les arrangements hypersophistiqués des autres.
Le tout se veut donc une initiation ou une redécouverte des groupes folkloriques, pour donner le goût aux petits et aux grands de tendre l’oreille si un festival de trad passe un jour dans leur coin.