«Nichole»: à contre-courant, bien dans son époque

Nichole, que l’on prononce avec l’accent anglais, s’il vous plaît, est un personnage volubile et haut en couleur à l’identité de genre floue. Nichole est aussi, et surtout, la vedette du documenteur drolatique de Télé-Québec qui porte son nom et qui lui vaut les honneurs, et la sélection, du festival de cinéma et de culture queer Image+Nation. « Star montante » autoproclamée, précisément à trente minutes du succès musical d’après son meilleur ami Manu, Nichole nous ouvre grand la porte de son quotidien ponctué par son désir de célébrité et nous montre l’envers du décor, au creux de son intimité pailletée.
« La quête de Nichole n’est pas liée à son identité de genre, mais au succès et aux rêves. Et celle-ci est inclusive et universelle », explique la scénariste et coréalisatrice de la websérie, Guenièvre Sandré. Au beau milieu d’un paysage audiovisuel québécois qui privilégie encore et toujours les protagonistes hétéronormatifs pour raconter des histoires communes, il lui tenait à coeur de mettre en avant un personnage de la diversité. Le comédien Alexandre Lavigne, qui incarne Nichole à l’écran, s’est à ce propos rarement senti aussi proche d’un rôle. « Bien sûr, je porte une perruque, du maquillage et des costumes, mais je m’identifie à l’essence du personnage qui travaille fort pour atteindre son but et réussir », confie-t-il. Si, de prime abord, on pourrait croire à un rôle de composition, l’incarnation de ce personnage, en réalité, lui a demandé peu de transformation intérieure, car Nichole et lui sont « profondément connectés à [leur] vérité ».
Comment construit-on un personnage non genré ?
Plus encore, Alexandre Lavigne s’est vu affranchi de toute contrainte dans son interprétation non genrée de Nichole. « D’avoir un canevas vierge donné par la réalisation a été pour moi la plus grande des libertés », dit celui qui fait du rapport au genre son cheval de bataille. « Quelque chose teinte souvent la performance quand on sait que notre personnage est censé être une femme ou un homme », fait-il remarquer. Selon lui, en 2022, il est désormais temps de « brasser les cartes » afin d’ouvrir la diversité à tous les récits et d’avoir, enfin, un univers culturel en phase avec « la vraie vie ». « Nous devons oser et proposer ces rôles tant aux acteurs qu’au public. Tout le monde est prêt », estime l’artiste.
D’avoir un canevas vierge donné par la réalisation a été pour moi la plus grande des libertés. Quelque chose teinte souvent la performance quand on sait que notre personnage est censé être une femme ou un homme.
D’un point de vue pratique, l’écriture du documenteur Nichole relevait pour sa part d’un véritable jeu de patience quand on sait que la langue française est extrêmement genrée. « Nous avons parfois eu du mal, mais nous y sommes parvenus ! » s’enthousiasme Guenièvre Sandré. Et son coréalisateur et producteur Gabriel Savignac de préciser : « Pendant la création, nous avons décidé de ne pas inscrire le genre de Nichole dans la description du personnage. Nous avons donc retiré tous les pronoms et les adjectifs genrés du scénario pour ne laisser aucun indice. »
« Nous voulions vraiment briser le langage genré omniprésent à la télévision », poursuit Gabriel Savignac. Pour le contrer à sa manière, le duo à la réalisation a également accordé une grande place à l’improvisation que la distribution — complétée notamment par les formidables Patrick Emmanuel Abellard, Gabrielle Boulianne-Tremblay, François Ruel-Côté et Brigitte Tremblay — a eu l’intelligence artistique d’exécuter en intégrant ces notions et éléments de langage. De ce fait, le spectateur a la possibilité de s’approprier le personnage comme il l’entend.
Céline, inspirante idole des millénariaux
Le public peut aussi s’emparer de Nichole grâce à ses multiples affinités avec Céline Dion, « notre référence québécoise par excellence au succès », croit Gabriel Savignac. « Notre génération, les millénariaux, est très admirative de Céline », ajoute-t-il. Les fans de l’interprète de Pour que tu m’aimes encore peuvent, par exemple, reconnaître dans le documenteur plusieurs clins d’oeil aux émissions consacrées à Céline Dion au tournant des années 2000. En témoigne cette fameuse scène chez l’oto-rhino-laryngologiste influencée par une entrevue donnée par la diva à l’époque. « Nichole a également la même éthique de travail impeccable que Céline, soit 90 % de travail et 10 % de talent », renchérit Guenièvre Sandré. Et parce que Céline Dion martèle depuis toujours qu’elle n’aurait jamais réussi sans sa dream team, il en va de même pour Nichole, qui « peut se reposer sur le soutien et l’amour inconditionnels de ses proches et de son réseau », souligne la scénariste et coréalisatrice.
Enfin, le ton burlesque, et tout aussi grandiloquent que Céline Dion, qui fait de Nichole une websérie délicieusement divertissante, trouve aussi son origine dans d’autres émissions qui ont émergé au début des années 2000. « J’ai toujours été inspirée par les téléréalités The Ashlee Simpson Show, Newlyweds: Nick and Jessica, American Idol, etc., et par les reportages à la Flash de TQS, quand on suivait une personnalité pendant une journée et qu’elle nous présentait ses endroits préférés à Montréal », indique Guenièvre Sandré. Avec un résultat aussi réaliste, on oublierait presque que le personnage de Nichole n’est qu’une fiction…
Le retour de « Sort of »
La série acclamée de CBC créée par Bilal Baig et Fab Filippo a une deuxième saison ! Après avoir presque déménagé à Berlin avec 7ven, perdu puis récupéré son travail de nanny et révélé non sans mal sa transidentité à sa famille, Sabi, personnage millénarial non binaire et enfant d’immigrés pakistanais, n’est toujours pas au bout de ses peines. Cette fois, Sabi doit en effet affronter son père qui est de retour de Dubaï et s’affirmer, rester au chevet de Bessy qui sort du coma et prendre soin de sa vie affective en passant du temps avec Olympia — soit des situations toutes plus cocasses les unes que les autres. À voir sur CBC Gem.