Le féroce retour en force de «Stranger Things»

Presque trois ans que l’on attendait le retour de Stranger Things ! Côté fiction, toutefois, six mois seulement se sont écoulés entre la conclusion de la troisième saison et le début de cette quatrième et avant-dernière, qui durera cinq heures de plus que les précédentes et qui sera déposée en deux volumes sur Netflix, le 27 mai et le 1er juillet.
Pour la petite histoire, rappelons que les frères Matt et Ross Duffer, inspirés par Steven Spielberg et Stephen King, ont imaginé une bande de goonies bien à eux qu’ils ont plantés dans un univers rappelant celui de Ça. Avec de telles références, les années 1980 et leurs wagons chargés de nostalgie étaient de mise. Lancée en juillet 2016, la série a connu un succès instantané et qui ne s’est pas démenti depuis. Ainsi, mise en ligne le 4 juillet 2019 dans 190 pays simultanément, la troisième saison a été vue 40,7 millions de fois en quelques jours à peine.
On peut en prévoir au moins autant pour cette nouvelle virée à Hawkins, en Indiana, qui ne décevra pas — peut-on conclure après en avoir vu le premier volume. À l’écriture et à la réalisation de la majorité des épisodes, les Duffer font un travail d’une envergure dramatique que ne renierait pas le cinéma. Aux effets visuels, la firme montréalaise Rodeo FX donne dans l’époustouflant : le Monde à l’envers et le nouveau monstre, Vecna, provoquent à la fois terreur et éblouissement.
Mais avant d’en arriver là, l’épisode initial (re)place les choses et les gens. Un rythme plus lent qui, en prime, permet au spectateur de se faire à la nouvelle apparence d’une bonne partie de la distribution : Mike, Will, Dustin, Lucas et Onze avaient une douzaine d’années au début de la série ; Finn Wolfhard, Noah Schnapp, Gaten Matarazzo, Caleb McLaughlin et Millie Bobby Brown avaient à peu près le même âge. Sauf que le fossé s’est creusé entre personnages et interprètes : alors que les premiers ont vieilli de deux ans et demi, les seconds, à cet âge où l’on change plus vite que son ombre, en ont pris six — dont trois depuis la dernière fois qu’on les a vus dans leur rôle. Il faut s’y faire.
Ce départ qui prend son temps laisse aussi présager qu’au fil de la saison, les personnages — ceux que l’on connaît et les nouveaux venus, il y en a plusieurs et ils sont immédiatement attachants — seront creusés. Que leur psychologie sera approfondie. Que leur passé sera ramené à la surface. Et, joie, c’est en effet ce qui se produit, en particulier pour Onze, dont l’enfance en laboratoire a été tout sauf normale ; mais aussi pour l’énigmatique Max (Sadie Sink) et pour l’étonnante Robin (Maya Hawke).
L’horreur, à temps
La durée de chaque épisode (en moyenne de 75 minutes) permet ce rythme différent avant que la machine s’emballe et que l’horreur se pointe. Parce qu’elle se pointe, et pas à peu près. Et pas qu’à Hawkins, à cause des événements survenus six mois plus tôt.
La saison 3, rappelons-le, se terminait avec la fermeture du portail vers le Monde à l’envers qu’étudiaient et protégeaient les forces russes. Le chef Hopper (David Harbour) était considéré comme mort et Joyce Byers (Winona Ryder) déménageait en Californie avec Will et Onze — celle-ci étant désormais privée de ses pouvoirs de télékinésie. La petite bande était donc démantelée. Pour le pire et le pire.
Restés sur place, Mike, Dustin, Lucas et compagnie ont été en quelque sorte amputés d’une partie de ce qu’ils sont. Ils cherchent à présent leurs marques dans une réalité qui, de l’extérieur, n’a pas changé. Quant à Will et, surtout, à Onze, leur nouvelle vie n’est que pur cauchemar. L’occasion d’aborder, en Indiana comme en Californie, des thèmes tels l’intimidation, le désir de popularité, la peine d’amitié, les amours perturbées, etc. Et l’horreur ? Elle est d’autant plus solide qu’elle est nourrie et propulsée par tout ce qui précède.
Il y aura des moments de panique débouchant sur des déductions géniales. Il y aura de la violence, de l’injustice, de la colère, mais aussi de l’humour. Il y aura détentions et évasions. Il y aura des revenants surprises. Et il y aura des victimes. Car, on s’en doutait, il existe encore au moins un portail entre notre monde et le Monde à l’envers.
N’en disons pas plus, sinon que l’accumulation des morts violentes et visuellement saisissantes oblige la petite bande à se remettre en action. Cette fois, distance oblige, en deux sous-groupes. À eux s’ajoutent des adultes qui sont obligés de quitter le pays, un duo de filles qui fait bande à part, un prisonnier qui ne baisse pas les bras, et Onze qui mène sa quête en solo. Passer ainsi des uns aux autres donne un dynamisme fou à des épisodes bien équilibrés en tensions et en relâchements (bien relatifs dans le contexte), qui débouchent systématiquement sur des cliffhangers appelant la suite à grands cris. Le dernier épisode de ce volume, qui dure 98 minutes, est celui de toutes les révélations. Certains auront deviné, d’autres seront surpris, mais, chose certaine, pour tous, même si le Mal dont on ignore les tenants et les aboutissants est toujours plus terrifiant que celui dont on connaît la nature, attendre jusqu’en juillet pour la conclusion est la véritable horreur.