Une année record pour les productions étrangères

Tournage de la série «Chaos», à Verdun, l’été dernier
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Tournage de la série «Chaos», à Verdun, l’été dernier

La venue de grosses productions américaines au Québec a engendré des retombées économiques records en 2021, au grand bénéfice des studios d’effets spéciaux et des équipes de tournage. Mais à l’heure de la pénurie de main-d’œuvre, une partie des producteurs locaux porte un tout autre regard sur la présence de plus en plus visible d’Hollywood en sol québécois.

Selon des chiffres publiés jeudi par le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), le secteur de l’animation et des effets visuels poursuit sa croissance fulgurante, lui qui a injecté 951 millions de dollars dans l’économie québécoise en 2021, soit environ 15 % de plus qu’en 2019, du jamais vu.

La hausse est encore plus impressionnante pour les tournages étrangers. Les retombées se chiffrent à quelque 470 millions, une croissance de 30 % par rapport à l’année qui avait précédé la pandémie, et ce, même s’il y a eu moins de productions tournées au Québec.

« En 2021, on compte 21 tournages étrangers, donc neuf de moins qu’en 2019. Mais la différence, c’est que la part de séries télévisuelles a augmenté, et ça, c’est très bon pour nous. En plus, les séries télévisuelles sont renouvelées quand elles ont du succès. Ça assure donc une certaine pérennité », note Christine Maestracci, présidente-directrice générale du BCTQ.

470
C’est le montant, en millions, des retombées, financières des tournages étrangers.

Elle cite entre autres la comédie de situation américaine Ghosts, dont la première saison a été filmée en partie à Montréal et qui aura droit à une deuxième saison. D’autres productions de grande ampleur ont contribué à ce bon bilan, comme le dernier volet des Transformers ou encore la série d’Amazon Prime Video Three Pines, une adaptation des romans de Louise Penny campée dans les Cantons-de-l’Est.

Grâce à ces tournages, le BCTQ a dépassé l’objectif qu’il ne croyait atteindre que l’an prochain. Certes, 2021 a permis à l’industrie de rattraper une partie des retards engendrés par la pandémie en 2020, mais Christine Maestracci s’attend tout de même à ce que la tendance se poursuive et à ce que les tournages étrangers continuent de prendre plus de place dans les prochaines années.

« Il y a une croissance mondiale de la consommation des contenus de divertissement, et donc des tournages qui viennent avec. Et c’est une tendance lourde qui va demeurer pendant plusieurs années. Il n’y a pas de raison que le Québec, avec tout le talent et l’expertise qu’on a, ne profite pas de cette tendance », soutient Mme Maestracci.

On s’attend également à une hausse du nombre de tournages québécois au cours des prochaines années, grâce entre autres à l’émergence, avec le lancement de la chaîne Noovo par Bell, d’un troisième acteur d’importance dans l’industrie de la télévision. D’ailleurs, la production locale a suscité des retombées de 1,07 milliard en 2021, plus que n’importe quelle autre année.

Or, d’aucuns commencent à douter que le Québec ait les moyens de poursuivre sur sa lancée. Alors que la pénurie de main-d’œuvre met à mal à peu près tous les secteurs de l’économie, les tournages étrangers accaparent une partie importante des équipes techniques. Et pour cause : selon l’Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son, le salaire est environ 15 % plus élevé sur les plateaux américains pour les travailleurs qui sont en bas de l’échelle.

« Nos producteurs ne peuvent pas rivaliser avec ça, rapporte Hélène Messier, présidente-directrice générale de l’Association québécoise des producteurs médiatiques (AQPM). Ça a un effet indéniable sur la production nationale. Il y a eu plusieurs retards de tournage à cause du problème de main-d’œuvre. Ça crée aussi pour nous une augmentation des coûts de production. »

Hélène Messier est consciente que les productions américaines à grand budget contribuent à développer une certaine expertise locale, à commencer par tout le secteur de l’animation et des effets visuels. Mais elle se désole que les productions québécoises n’aient pas des budgets suffisants pour profiter de ces studios, qui sont pourtant installés ici.

« Je trouve extraordinaire le rayonnement de ces compagnies à l’étranger, mais ce serait encore mieux si on avait l’argent pour en profiter », lance la présidente de l’AQPM, qui préfère demander le versement d’une aide accrue aux producteurs québécois que l’imposition de quotas pour les tournages étrangers.

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