Adopter «Trying»

Ils se tiennent par la main. Elle porte un cardigan. Il porte des Converse. Ils sont à un baptême. Pas celui de leur enfant. Ils n’ont pas réussi à en avoir. Coproduite par Apple et la BBC, Trying (La vie d’adulte en français) est une série sur l’infertilité, sur le désir criant de devenir parent, sur la difficulté d’accepter qu’on ne pourra jamais donner naissance.
Au cœur de ce récit, un couple de trentenaires. Lui, grand et gauche. Elle, expressive et émerveillée. Parfois irritants, parfois attendrissants, ils se chamaillent et se réconcilient, traversent de grandes joies et d’immenses peines, parfois en même temps. En apprenant qu’elle ne pourra pas tomber enceinte, le vide. « Et maintenant, on fait quoi ? » « On meurt un petit peu et on essaie de continuer à avancer ? » Autre option : « On joint un club de lecture ? »
Si elle fait momentanément sourire, l’idée n’adoucit pas la peine. « Comment une chose que nous n’avons jamais eue peut-elle nous manquer à ce point ? » Ce qui ne manque pas dans cette production : les questionnements sur l’infidélité, sur l’amitié, sur le dur chemin vers la maturité. Oui, d’accord, il y a des responsabilités d’adulte à endosser, mais pas avant de sortir toute la nuit, de se réveiller tout habillés et de retrouver ses chaussures dans le lavabo.
« Ce couple a beaucoup de défauts, mais aussi beaucoup d’amour à offrir », fait remarquer Rafe Spall. L’acteur londonien, qui incarnait l’écrivain dans Life of Pi d’Ang Lee, joue ici le protagoniste. Celui qui fait du vélo pour être plus écolo, mais qui est incapable de pédaler sans foncer dans des objets. Il enseigne l’anglais à des jeunes venus d’ailleurs, imite un morse en mangeant des frites.
« Mon bonheur avec cette émission réside tout simplement dans le plaisir de jouer, nous confie-t-il. Après tout, c’est la seule chose qu’en tant que comédien on peut contrôler. On ne peut pas contrôler le produit fini. La réception du public non plus. »
Dans le cas de Trying, dont la première saison est parue l’an dernier, cette réception a été discrète, mais somme toute chaleureuse. Moins discrète pour Esther Smith, l’actrice principale, qui reçoit les secrets des spectateurs. Un honneur et un bonheur, dit-elle. « Encore récemment, au café de mon quartier, une femme m’a approchée pour me parler de ses problèmes d’infertilité, et me dire à quel point notre série lui avait apporté du réconfort. »
Créé et scénarisé par Andy Wolton, l’ensemble repose sur un ton léger, malgré la gravité du sujet. « Il y a tant de scènes rigolotes et absurdes à jouer », lance Esther. Le traitement est « simple et sucré », ajoute Rafe. Tout comme le message : « Se concentrer sur le positif, plutôt que s’appesantir sur le négatif. »
Les dialogues, livrés sur une jolie musique, insistent ainsi sur le côté charmant de leur relation, sur leur amour aux abords naïfs. Sur leurs craintes face à l’avenir — et leur peur de perdre l’étincelle des débuts.
— Quand nous nous sommes rencontrés, nous passions des heures au téléphone à nous parler !
— Nous habitons ensemble. Ce serait bizarre si on se parlait encore pendant des heures au téléphone. Dans le même appartement.
« Ce qu’Andy, le scénariste, fait si bien, c’est qu’il se penche sur certaines questions sociales avec humour et finesse, estime Rafe Spall. Prenez la première saison. Il parlait de classes, ce système si tenace qui, en Angleterre, affecte encore tous les aspects de la vie de la plupart des gens. Et il disait des choses originales, intelligentes, intéressantes. »
L’espoir, l’attente, la vérité
Dans la deuxième saison, qui redémarre le 21 mai, le couple traverse un processus d’adoption. Long, ardu et chargé d’émotion, ce parcours est parsemé de rencontres avec une travailleuse sociale déterminée, incarnée par Imelda Staunton. L’actrice renommée, que l’on a vue dans Vera Drake, dans Downton Abbey et dans plusieurs Harry Potter, est parfaite dans ce rôle de femme directe, pragmatique et pratico-pratique.
L’ensemble se déroule toujours dans un Camden Town embourgeoisé. Autrefois un repaire de la contre-culture, le quartier londonien est devenu un repaire de hipsters, comme le déplorent les personnages.
Ces derniers déplorent aussi les showers de bébé et les fêtes auxquels ils sont invités, remplis de parents épanouis qui leur lancent des phrases comme : « Ah ! Le jour où vous quittez l’hôpital avec votre enfant, tout change. » À chaque observation, ils ressentent comme des petits coups de poignard au cœur.
Ils en ressentent aussi quand une docteure leur annonce le coût des traitements de fertilité, qu’ils ne peuvent se permettre. « À ce prix-là, je pourrais acheter un bébé. Je pourrais littéralement aller sur Internet et en acheter un. »
Ce qu’Andy [Wolton], le scénariste, fait si bien, c’est qu’il se penche sur certaines questions sociales avec humour et finesse. Prenez la première saison. Il parlait de classes, ce système si tenace qui, en Angleterre, affecte encore tous les aspects de la vie de la plupart des gens. Et il disait des choses originales, intelligentes, intéressantes.
Trying dépeint l’espoir, l’attente, le stress, la pression. Au fil des épisodes, on voit Esther Smith traîner Rafe Spall dans des conférences de psychanalyse sur « la subjectivité, la parole et le peuple ». « Nous devons convaincre tout le monde que nous sommes géniaux », s’inquiète-t-elle. « Non. Nous devons convaincre des enfants que nous le sommes », relativise-t-il.
Autour d’eux évoluent des personnages tantôt exaspérés, tantôt exaspérants (dont des beaux-parents remplis de préjugés et abonnés aux commentaires malaisants). Eux-mêmes le sont souvent, exaspérants. Égocentriques aussi. Et pas toujours attentionnés ou rationnels.
« Ils ont une relation touchante », estime toutefois Esther Smith. D’autant plus lorsqu’on la compare à celle de leurs amis.
Le secret d’une bonne relation, c’est peut-être de se tenir avec des gens qui en ont une moins réussie, lance à la blague Rafe Spall. Plus sérieusement, il ajoute : « C’est un beau propos, non ? Peu importe à quel point la vie nous semble difficile, il y a toujours quelqu’un pour qui elle l’est davantage. Ça aide à avoir de la perspective. »
Et parlant de perspective, celle d’Esther va comme suit : « Nous abordons un sujet dont on ne parle pas assez, à mon avis. Et ça fait du bien d’aider à le rendre moins tabou. Beaucoup de gens se reconnaissent dans cette histoire. Même dans les moments hilarants. Ça nous confirme que nous touchons à une vérité. »