L’adulescent devient parent

Le père «adulescent» et le fils adolescent développent rapidement une relation amicale après leur première rencontre fortuite.
Photo: TV5 Le père «adulescent» et le fils adolescent développent rapidement une relation amicale après leur première rencontre fortuite.

En faisant l’acquisition de la série française Irresponsable, TV5 a trouvé un très bon complément à la comédie québécoiseWeb thérapie, diffusée tout de suite après le mardi soir. Cette dernière lorgne du côté de la sitcom, tandis que la nouveauté de l’Hexagone, qui est manifestement inspirée des comédies enfumées mais sensibles de Judd Apatow (Knocked Up, Trainwreck), penche en fin de parcours du côté de la « dramédie », ce doux mélange dont les situations et les dialogues nous font autant rire aux éclats que nous émouvoir presqu’aux larmes.

Il faut dire qu’elles sont rares, les séries télé comiques françaises qui se rendent jusqu’à nous et qui s’avèrent vraiment réussies. Peut-être que cette tendance changera, si nos cousins d’outre-Atlantique se mettent à créer un peu plus d’objets télévisuels aussi sympathiques qu’Irresponsable

La trentaine triste

 

Cette comédie en dix épisodes d’une petite demi-heure n’est pas la plus originale qui soit. La trame narrative a un air de déjà-vu, mais on pardonne rapidement cette faiblesse si on tombe sous le charme de cette galerie de personnages drôles, parfois irritants, mais qui finissent par devenir attachants. Ces qualificatifs se prêtent particulièrement bien au personnage principal, un antihéros de première à qui on aurait souvent le goût de donner un bon coup de pied vous savez où.

Julien a le début de la trentaine triste : sans boulot, il échoue chez sa mère dans sa banlieue bourgeoise d’enfance après avoir épuisé tous ses recours à l’hospitalité de ses copains dans la capitale. Aucunement motivé à occuper un emploi pour se sortir de ce mauvais pas, ce fumeur de joints rêvasseur, qui fait souvent penser à un jeune Woody Allen franchouillard, se rend néanmoins à l’entretien d’embauche que sa maman angoissée et passablement névrosée lui a dégoté à son ancien collège (l’équivalent du début du secondaire) pour un poste de « pion » (surveillant).

Comme on peut s’en douter, cette initiative est un désastre (il se fait pincer à fumer avec des ados dans la cour d’école…), à une exception près : Julien croise son amour de jeunesse, disparu du jour au lendemain sans avoir jamais donné signe de vie, la belle Marie, devenue professeure au collège. Cette rencontre fortuite va bouleverser l’existence monotone et inepte de ce « vieux flanc mou » puisqu’elle lui apprendra qu’il est le père d’un adolescent de 15 ans, l’un des jeunots avec qui il a partagé un joint un peu plus tôt…

Voilà pour le résumé du premier épisode, l’un des moins réussis du lot, qui met la table pour une série de péripéties du héros, d’abord réfractaire à l’idée de faire connaissance avec Jacques, ce fils inconnu, mais avec qui il développera rapidement et presque par accident une relation amicale, beaucoup trop enfumée pour devenir un tant soit peu autoritaire. Au-delà du fils, Julien souhaite également renouer avec la mère, dont il est toujours amoureux. Cette quête s’avérera nettement plus complexe, surtout que le pauvre type qu’il est n’arrive qu’à se mettre dans le pétrin en essayant d’assumer son rôle de père pour « impressionner » la belle.

Même s’il reste hautement égoïste et inconscient, au point d’en être carrément dangereux à quelques reprises, ce papa en apprentissage n’en demeure pas moins hautement attachant et, surtout, très drôle. Et c’est surtout grâce à son interprète, le formidable Sébastien Chassagne, un habitué des planches que l’on risque de voir un peu plus souvent à l’écran (il est de la distribution du téléfilm Carole Matthieu, avec Isabelle Adjani), qui est sans doute l’un des meilleurs atouts d’Irresponsable.

L’actrice Nathalie Cerda, qui incarne la mère de Julien, un brin naïve et très angoissée, qui entretient une relation quasi fusionnelle avec ce fils ingrat mais tout de même dévoué quand il le faut, ajoute un supplément d’âme à ce récit initiatique au comique souvent pathétique. Le reste de la distribution, relativement restreinte pour cause de petit budget, offre des interprétations tout à fait justes et donne corps aux dialogues savoureux et, parfois, en grande partie improvisés, imaginés par le scénariste Frédéric Rosset, épaulé par sa soeur Camille pour plusieurs épisodes.

Série d’école

Cet objet télévisuel ne mérite pas seulement le détour pour ses qualités intrinsèques : ses origines sont particulièrement intéressantes. Irresponsable est en fait le fruit d’un projet de fin d’études, celui d’un finissant de la première cohorte du programme de création télé de la FEMIS, la grande école française de cinéma.

Dans le cadre de ce programme, les étudiants doivent créer, avec le soutien d’un professionnel du milieu, la « bible » d’une série (les lignes directrices, les personnages et les lieux) et un premier épisode. Irresponsable s’est retrouvé parmi les trois projets de cette promotion à faire l’objet d’un pilote, qui ont été présentés au prestigieux festival de télévision Sériemania en 2015. La chaîne câblée OCS, qui produit quelques fictions de niche et diffuse plusieurs séries américaines à succès, a acquis les droits pour produire la série, laquelle a été diffusée l’été dernier et a connu un beau succès critique en France. Et sans doute un certain succès public, puisqu’on a déjà annoncé une deuxième saison. Et après avoir avalé la première saison tout d’un coup, on avoue avoir hâte de jeter un oeil sur cette suite…

Irresponsable

TV5, mardi, 19 h

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