La nouvelle revanche des cerveaux

Le concept est d'une simplicité désarmante: poser des questions sur toutes sortes de sujets, et tenter d'y répondre. Mais la formule s'est révélée suffisamment originale et attrayante pour faire école, sans jeu de mots, et s'imposer non seulement dans le paysage télévisuel québécois et canadien, mais aussi dans la formation scolaire de quantité de jeunes.
Pendant un quart de siècle, le jeu-questionnaire Génies en herbe a tenu l'antenne de Radio-Canada. Or voici qu'il effectue un retour après une éclipse de 14 ans, dans une version légèrement modifiée qui fera davantage appel aux innovations technologiques que le bon vieux témoin sonore et lumineux. Une présentation des concurrents a eu lieu samedi dernier, et le premier match sera disputé ce samedi.Phénomène, que Génies en herbe, cette espèce de revanche des nerds? En tout cas, au fil des ans, l'idée a fait des petits: des dizaines d'établissements scolaires ont constitué des équipes, de multiples ligues ont été créées, des milliers de jeunes se sont adonnés au jeu. Et s'y adonnent encore: sous la gouverne du Mouvement provincial Génies en herbe/Pantologie, un organisme sans but lucratif, on joue au primaire, au secondaire, au cégep, à l'université. Et on joue encore même quand on a passé l'âge des études: à Montréal, une ligue civile réunit les «anciens», et il y a sept ans, un second circuit non scolaire a été mis sur pied pour les adultes qui n'ont pas eu la chance de faire partie d'un club dans leur école. Ils se réunissent une fois par mois dans les locaux du Regroupement Loisir Québec, au Stade olympique, pour mettre à l'épreuve leur érudition.
À l'origine, Génies en herbe était une production régionale de Radio-Canada Ottawa-Hull. À compter de 1973, l'affaire est devenue pancanadienne, avec des équipes d'un océan à l'autre. On réunissait les jeunes à Ottawa pendant cinq ou six jours pour une session intensive où l'on enregistrait toutes les émissions de la saison.
Aujourd'hui producteur télé et organisateur d'événements sportifs, Serge Arsenault fut animateur de Génies en herbe de 1973 à 1975 avant de passer au service des sports de la SRC à l'occasion des Jeux olympiques de Montréal. Il ne conserve que de bons souvenirs de l'expérience. «Avec le recul, je n'hésite pas à le dire, ce fut la plus belle aventure de ma carrière. C'est là que j'ai appris à faire de la télévision. Nous étions entièrement au service des concurrents», raconte-t-il, évoquant l'atmosphère qui régnait sur le plateau de tournage et dans les lieux de rencontre, mélange de camaraderie et de compétition, de passion et de stress, le tout alors que les jeunes découvraient la francophonie canadienne.
«Génies en herbe, c'est vraiment le jeu de base, la connaissance et la rapidité. Je suis bien heureux que tout ça reprenne», ajoute-t-il.
Quand Stéphan Bureau a été approché pour animer cette nouvelle mouture, il a spontanément accepté (après avoir consulté son agenda plutôt chargé). Il a récemment eu l'occasion de travailler avec des jeunes et de mettre leurs facultés intellectuelles en lumière avec sa webémission de débats La Joute junior sur le site de Télé-Québec, et Génies en herbe: l'aventure — ainsi nommée parce qu'il y aura plus que des questions et des réponses — s'inscrivait dans la suite logique de ce contact initial.
«L'esprit est le même: donner aux jeunes une tribune qui permette d'aller au-delà de la caricature qu'on fait trop souvent d'eux, dit-il. Je ne pouvais pas refuser de participer à un exercice qui met en avant leur intelligence, leur spontanéité et leur soif d'apprendre.»
Pour la série de 15 émissions d'une heure chacune, on a constitué quatre équipes représentant l'Atlantique, le Québec, l'Ontario et l'Ouest, au terme d'un long processus de sélection des concurrents, étudiants en 5e secondaire et âgés de 16 ou 17 ans. Les joutes seront présentées à Halifax, Rimouski, Québec, Ottawa, Winnipeg et Vancouver. Au traditionnel questionnaire viendra d'ailleurs s'ajouter une chasse au trésor, un «défi-découverte» qui permettra aux joueurs de mieux connaître la ville et la région d'accueil et de mettre la main, signe des temps, sur une clé USB qui leur révélera un certain nombre d'informations susceptibles de les aider pour la phase finale de leur match. Il y aura aussi des interfaces, des écrans tactiles et tout plein d'autres trucs à la fine pointe du progrès.
«Nous avons déjà enregistré quelques émissions, et je peux vous dire que chaque fois qu'ils se rencontrent, c'est un happening», disait Stéphan Bureau dans un entretien juste avant Noël. «Et cela donne du beau jeu.»
Mais par-delà la compétition, on continue aussi à jouer à Génies en herbe par pur plaisir. C'est le cas de Gaétan Plante, secrétaire de la Fédération québécoise de Scrabble, inscrit dans la Ligue civile B, celle de ceux qui n'ont pas joué à l'école. Adepte des jeux télévisés — il a participé à pas moins de 17 d'entre eux —, il s'est laissé tenter par le défi lorsque la ligue a été créée. «J'ai toujours aimé les exercices qui amènent à se creuser les neurones, et je m'intéresse à tout ce qui touche à la culture générale. Ajoutez à cela un petit côté compétitif... dit-il. On apprend plein de choses, et l'ambiance demeure amicale.»
Alors, vite de même, quelle est la capitale du Tadjikistan?