Danse - La transparence nécessaire

Québec - Dans Laque, la danse se greffe au multimédia. Après un séjour de résidence à La Bande Vidéo, la jeune chorégraphe et interprète de Québec propose un solo où l'image défie le mouvement. Avec l'aide des musiciens Mathieu Doyon et Éric Morin, qui jouent en direct pendant le spectacle, un monde surgit de ses contrastes. Afin de clôturer la saison 2001-02 de La Rotonde, dans le cadre de la série Mouvements d'intimité, les débuts d'une créatrice à suivre.

À l'automne 2001, elle était de la création collective La pêche et autres fruits érotiques de la compagnie de théâtre Les Nuages en pantalon. En février dernier, elle participait au Mois Multi en intervenant dans l'oeuvre Le Couloir de l'artiste Murielle Dupuis Larose. C'est dire à quel point le nom de Karine Ledoyen circule au delà du réseau habituel de la danse à Québec.

Du 1er au 4 mai, elle s'installe toutefois au studio La Rotonde afin de divulguer les prémisses d'un univers chorégraphique. "Ce premier solo, c'est ma manière de dire: "voilà, j'existe". Lors de mon séjour en France, il y a deux ans, j'ai beaucoup observé les personnes autour de moi. Avec Laque, j'ai voulu mettre en scène le comportement des individus. Qu'est-ce qu'on filtre? Jusqu'à quel point se censure-t-on soi-même?", mentionne Ledoyen.

Un ton éclectique

Après avoir terminé sa formation à l'École de danse de Québec en 1999, elle quitte pour Grenoble, où elle travaille avec les chorégraphes Robert Seyfried et François Veyrunes. Elle revient ensuite dans la Vieille Capitale dans le but de vivre de sa passion pour la danse. L'été dernier, Ledoyen amorçait le processus qui la mènera à une première tentative. "Dès le départ, dit-elle, il y avait l'intention de jumeler la danse à d'autres disciplines artistiques. De ce point de vue, la présence de collaborateurs tels Mathieu Doyon, Éric Morin, Vano Hotton, Jean Soucy et Marie-Claude Pelletier a été déterminante. On échangeait des idées sans jamais se mettre de barrières. Ce processus renvoie à quelque chose de très organique. Le mode exploratoire était indissociable de cette expérience."

On passe ainsi d'un extrême à l'autre dans cette oeuvre. L'enchaînement assez rapide de plusieurs tableaux chorégraphiques pourrait très bien surprendre. Sans contredit, la notion de transparence intervient à plusieurs égards. Au sol, de la vidéo live crée des zones de matière liquide. Des échantillonnages sonores laissent planer une atmosphère mystérieuse. Les émotions se succèdent sans toutefois se ressembler.

"Certains spectateurs seront peut-être choqués par moments. Je peux très bien comprendre. Ces couches que l'on soulève en soi vont de la tendresse affective à la violence la plus brutale. Le spectacle demeure le reflet de cette énergie très brute. Il y a de l'humour ainsi que des atmosphères plus tragiques. On doit parfois se laisser guider par nos forces comme par nos faiblesses intérieures. Le rationnel ne donne pas de réponses à tout", poursuit Ledoyen.

Laque se compare à une série d'ambiances sans narration précise. Le ton est plutôt éclectique. Par contre, la ligne directrice se situe quelque part dans ces zones fragiles et instables. "Chaque individu avance parmi ses contradictions. Tout progresse dans un certain désordre. Je tenais à aller au bout de mes choix. Surprendre le public, mais aussi avancer parmi les éléments. L'eau et l'air interviennent beaucoup dans l'esthétique de cette chorégraphie."

Demain, dans le cadre de la Journée internationale de la danse, quelque 150 interprètes, chorégraphes et musiciens se donnent rendez-vous dans divers lieux de la ville de Québec, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Karine Ledoyen sera de passage au Musée du Québec en compagnie du porte parole de l'événement, Harold Rhéaume. D'ailleurs, elle reviendra aussi comme interprète dans la prochaine création, F.U.L.L., de Rhéaume. Le directeur de la compagnie Le Fils d'Adrien Danse a également suivi de près l'évolution de Laque.

"Harold a été mon oeil extérieur. Il m'a donné l'heure juste à plusieurs reprises. Sa présence est vraiment importante, en ce moment, pour l'avenir de la danse à Québec." Un parcours qui s'annonce déjà fort prometteur.

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