Le sort de la Fondation JPP en suspens
Le sort de la Fondation Jean-Pierre Perreault (FJPP), qui a fermé ses portes en novembre dernier en raison d'un déficit, demeure en suspens. Les créanciers devaient décider jeudi dernier, par vote, s'ils acceptaient la proposition de règlement qui sauverait de la faillite la compagnie de danse du défunt chorégraphe. Le vote a été reporté au mois prochain.
«L'assemblée a été ajournée au 17 août, indique au Devoir Christian Bourque de la firme Raymond Chabot. Les créanciers trouvaient que le montant de la proposition était insuffisant, mais ils n'étaient pas prêts à mettre la FJPP en faillite.»Selon le rapport de la firme Raymond Chabot dont Le Devoir a obtenu copie, on offrait aux quelque 50 créanciers non garantis 15 ¢ pour chaque dollar perdu, afin de couvrir un déficit de plus de 600 000 $. Le Conseil des arts et lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal ont accepté d'allonger la somme ainsi cumulée de 150 000 $, soit respectivement 120 000 $ et 30 000 $.
Au coeur du dossier, il y a bien sûr la FJPP, propriétaire des oeuvres de Jean-Pierre Perreault, chorégraphe pionnier de la danse contemporaine du Québec, décédé en novembre 2002. Mais il y a aussi l'immeuble qui abritait la compagnie, l'Espace chorégraphique, un centre de recherche et de création chorégraphique unique au Québec, sis dans une ancienne église restaurée au coût de 3,3 millions de dollars, qui a ouvert ses portes en 2001. Un vote favorable préserverait les oeuvres et le lieu; son rejet entraînerait la faillite de la FJPP et la liquidation de ses biens, incluant la bâtisse.
Selon le plan de réorganisation prévu dans le rapport, «le MCC et le CALQ travaillent en collaboration afin de préserver la vocation culturelle du lieu où la Fondation exerçait ses activités». Toujours selon le document, un nouveau conseil d'administration serait formé pour préserver et diffuser les oeuvres du chorégraphe, mais à l'intérieur d'une «structure de frais et des besoins de fonds considérablement réduits». On entend donc «céder l'immeuble à un autre organisme relié aux arts de la scène, préférablement à la danse contemporaine».
Mais pour tout cela, la proposition doit être votée favorablement, ce qui semble encore loin d'être fait. «Le principal créancier pense que l'immeuble vaut plus que l'évaluation que nous avons faite», précise M. Bourque. L'estimation du syndic établie à 1,15 million ne couvre pas la valeur des créances garanties — soit les prêts hypothécaires et autres investissements gouvernementaux —, donc ne prévoit pas de plus-value pour les «petits» créanciers.
Le ministère se retrouve dans une situation délicate et paradoxale: il entend sauver la FJPP, mais n'ose pas bonifier son offre et ainsi créer un précédent pour d'éventuelles situations semblables. De l'autre côté, les créanciers ne veulent pas porter l'odieux de la mort d'une institution qu'on défend en paroles, mais pas dans les faits.
Notons que la FJPP n'a pas pu profiter du plan de stabilisation du Patrimoine canadien, comme l'avait fait le Théâtre du Rideau Vert, parce qu'elle n'avait pas de plan de relance de ses activités, souhaitant plutôt réduire celles-ci.
La FJPP a cessé ses activités en novembre 2004. La tournée européenne de Joe, pièce monumentale de Jean-Pierre Perreault pour 32 danseurs, a vidé les coffres de la compagnie. Les danseurs n'ont pas été payés pendant huit semaines. Mais Québec et Ottawa ont allongé la somme de 200 000 $ pour les rembourser.