Jeanne Renaud, pionnière de la danse moderne, est décédée

Danseuse et chorégraphe proche du mouvement automatiste et des signataires de Refus global, comptant plus de 40 chorégraphies à son actif, Jeanne Renaud a ouvert la voie à la danse contemporaine québécoise. Elle est décédée jeudi à l’âge de 94 ans dans un centre de soins palliatifs d’Outremont.
« C’est tellement triste de voir comment on peut devenir complètement dépendant de son corps, alors qu’on a été actif toute sa vie », déplore Claude Gosselin, directeur général et artistique du Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC). Mme Renaud était aux prises avec divers problèmes de santé, dont un cancer.
Claude Gosselin fait partie d’un groupe d’amis très proches de l’artiste qui l’ont suivie toute sa vie. « Elle m’a beaucoup encouragé dans ma propre carrière, ainsi que de nombreux autres artistes de sa génération », dit-il.
Jeanne Renaud a d’ailleurs occupé plusieurs postes de pédagogue, de directrice artistique et de gestionnaire. Elle fut entre autres professeure à l’École de théâtre du cégep Lionel-Groulx (1970-1971), codirectrice artistique des Grands Ballets canadiens aux côtés de Linda Stearns (1985-1987) et professeure à la Faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal (1987-1989).
Grande dame de la danse
C’est surtout comme danseuse et chorégraphe, cependant, que Jeanne Renaud s’est démarquée, ayant côtoyé des figures marquantes de l’avant-garde québécoise et fondé le Groupe de la Place Royale, souvent considéré comme la première troupe de danse moderne du Québec.
Jeanne Renaud étudie d’abord la musique à l’école Vincent-d’Indy, à Outremont. En 1946, elle poursuit une formation en danse à New York, auprès des désormais célèbres Hanya Holm, Mary Anthony et Merce Cunningham.
Ses soeurs Louise et Thérèse, ainsi que ses amies Françoise Sullivan et Françoise Riopelle, sont signataires de Refus global, le fameux manifeste piloté par Paul-Émile Borduas paru en 1948. Cette même année, Jeanne Renaud donne son premier récital, avec Françoise Sullivan.
Au début des années 1950, elle enseigne et pratique la danse à Paris. Elle collabore entre autres avec Jean Paul Riopelle et Pierre Mercure.
En 1965, de retour à Montréal, elle présente Expression 65, un spectacle de danse qui connaît un grand succès.
Elle fonde un an plus tard le Groupe de la Place Royale, avec le chorégraphe Peter Boneham. Intégrant dans ses spectacles des éléments de théâtre et des voix, la troupe bouleverse les codes de la danse de l’époque. Jeanne Renaud est directrice artistique du groupe jusqu’en 1972.
Bien entourée
« On perd une grande dame de la danse », soutient Rafik Hubert Sabbagh, directeur général et artistique du Festival Quartiers danses. C’est d’ailleurs à ce festival que Mme Renaud a présenté, en août 2021, son dernier spectacle, Projet Feldman/Renaud, mettant en vedette les danseurs Marc Boivin et Louise Bédard. « C’est tout un honneur », ajoute Rafik Hubert Sabbagh.
Ce dernier raconte également que Marc Boivin était au chevet de Mme Renaud lorsqu’elle s’est éteinte, jeudi.
Comme l’explique Claude Gosselin, elle a toujours été « très bien entourée » par ses amis. « Jeanne organisait des dîners célèbres chez elle, où on échangeait sur la création et sur l’art, des années 1940 jusqu’à tout récemment », dit-il.
Une infolettre du CIAC lui a d’ailleurs rendu hommage vendredi : de proches amis et collaborateurs y ont signé une lettre en son honneur. Parmi eux, le fils de Jeanne Renaud, mais également Marc Boivin, Louise Bédard, Françoise Sullivan, Yseult Riopelle, Sylvia Safdie, Danielle et Suzanne Sauvage et plusieurs autres.