Faire une différence pour la communauté de Saint-Michel

Le danseur  et enseignant Ford Mckeown Larose en compagnie  de Paul Evra,  le directeur  du centre socio-éducatif Lasallien de Saint-Michel
Marie-France Coallier Le Devoir Le danseur et enseignant Ford Mckeown Larose en compagnie de Paul Evra, le directeur du centre socio-éducatif Lasallien de Saint-Michel

Le festival Kairos est de retour pour une 4e édition. Plus qu’un festival de danses hip-hop, cet événement, lancé par le danseur et enseignant Ford Mckeown Larose, vise non seulement à amener la danse dans le quartier Saint-Michel, mais aussi à rassembler différents organismes du quartier et à créer, notamment pour les jeunes, un moment de communion.

« Je ne pensais pas faire plusieurs éditions du festival. À la base, ça devait être mon dernier gros événement », se souvient Ford Mckeown Larose. En effet, c’est après plusieurs mois passés en France que l’idée du festival est venue à lui. « Quand j’étais là-bas, j’aimais tellement l’accueil, le respect et l’esprit de communauté qui régnait chez mes amis. Ça m’a fait me questionner sur “Et moi, d’où je viens ?”. En rentrant chez moi, dans mon quartier, à Saint-Michel, j’ai voulu créer quelque chose de gros, et de rassembleur », poursuit-il.

Ainsi, en 2019, M. Larose décide de créer des ponts entre plusieurs organismes du quartier pour élaborer un festival de danses hip-hop. La Perle retrouvée et la Maison d’Haïti embarquent très rapidement. Ford Mckeown Larose, avec sa compagnie Forward Movements, avait déjà produit plusieurs événements à la Maison d’Haïti.

En effet, depuis 2015, avec la cofondatrice de la compagnie, Anaïs Gachet, ils mettent en place différents types d’activités en lien avec la culture hip-hop. « On a fait plusieurs projets de création, en vidéo et sur scène : Organic Geometry, Amalgame et Dieu 3 », explique le cofondateur. Le danseur a aussi mis en place Mad, Motion and Dynamics, un battle de danses hip-hop qui a eu lieu au MAI (Montréal, arts interculturels) en 2019. Le projet Interactions créatives, nés en 2019, a quant à lui eu lieu à la Maison d’Haïti, toujours en 2019. Un événement qui compte désormais 14 éditions. « Ce sont des petits événements, pas chers du tout, parfois des battles de danse, parfois des showcases, le plus souvent dans le quartier », ajoute M. Larose.

Parmi les projets plus récents, Ford Mckeown Larose compte sa formation Full circle, un programme d’enseignement de streetdance, qui se concentre sur les styles boogaloo et popping. La première édition a eu lieu en automne 2021. « Ça fait plus de 10 ans que je voyage à travers le monde dans le but d’approfondir mes connaissances et ma compréhension de ces styles. En plus, j’adore partager, alors l’enseignement est venu à moi de manière naturelle », explique celui qui a grandi en regardant les émissions et vidéoclips des années 1990-2000.

Ainsi, pour sa première édition, en 2019, le festival Kairos a proposé des battles de danse, une conférence sur la créativité en hip-hop, ainsi que des ateliers de danse.

 

Impact communautaire

Après la première édition du festival, qui devait être la seule et unique, Ford Mckeown Larose décide finalement de poursuivre l’expérience. « C’était super familial, chaleureux, des aînés du quartier sont venus, plusieurs jeunes aussi ; les gens venaient me remercier, me disaient qu’ils avaient été happés par l’expérience, que c’était “hype”. Ça a vraiment apporté quelque chose aux gens et ça m’a donné envie de continuer. C’est l’impact communautaire que ça a eu qui m’a stimulé », explique-t-il.

Pour la 2e édition, qui a eu lieu en pleine pandémie, le festival Kairos proposait une série de cinq conférences en ligne. En 2021, en plein été, c’était le retour du festival en présentiel, avec des battles, des discussions et des ateliers. D’autres organismes du quartier ont embarqué dans l’aventure, notamment le centre socio-éducatif Lasallien de Saint-Michel et son directeur, Paul Evra, à la tête de l’organisme depuis quatre ans. « Ford voulait que les jeunes aient accès à la danse gratuitement et nous, on a plusieurs espaces qui peuvent servir à ça. C’était tout naturel de faire un partenariat », se souvient le directeur général du centre.

Depuis maintenant 18 ans, ce centre socio-éducatif vient en aide aux familles du quartier en mettant en place divers projets « pour permettre aux jeunes de trouver ce qui les intéresse ». Ainsi, un « Espace Teknö » a été créé pour « pallier la fracture numérique du quartier », ou encore un programme « métiers d’urgence ». « Après Black Lives Matter, on a réalisé qu’il manquait souvent de diversité chez les pompiers, policiers, ambulanciers… On a cherché les barrières systémiques et avec ce programme parascolaire, on encadre les jeunes pour les aider dans leurs démarches, dans les examens à passer… » explique M. Evra. Même démarche avec le projet « Apprenti.e.s chef.fe.s », qui invite des chefs à former des jeunes intéressés par le métier de cuisinier. « Ils apprennent un métier, mais ça permet aussi de redonner à la communauté. Tous les plats qu’ils préparent sont donnés aux personnes en situation d’itinérance et aux familles du quartier », poursuit le directeur général.

« Paul et moi, on a la même vision. On veut que les jeunes puissent voir et expérimenter le maximum de choses possible. Ensemble, avec son espace et nos idées, on peut offrir des propositions artistiques et culturelles riches et participer au développement de notre communauté, de notre quartier », explique Ford Mckeown Larose.

« Briser des barrières »

En plus de l’aspect communautaire qui leur tient à cœur, Ford Mckeown Larose et Paul Evra se sont aussi retrouvés pour leur amour de la culture. Pour le directeur général du centre Lassalien, qui a grandi à Saint-Michel, a fait du slam pendant plusieurs années et côtoyé les battles de danse. « L’art peut être une tribune, notamment pour les jeunes. La cultureréunit les peuples, l’art n’a pas de langue, notamment la danse ! La culture permet de briser des barrières et de faire en sorte que les gens se comprennent, mais aussi s’expriment », lance-t-il.

Même constat du côté du cofondateur du festival, qui travaille auprès des jeunes depuis plus d’une décennie. « Parfois, il suffit d’un moment éphémère pour changer une vie », affirme-t-il. C’est notamment pour cette raison que la grande majorité des événements du festival sont accessibles gratuitement à tous les jeunes du quartier. « On veut changer les choses. Il y a plein de jeunes talentueux, inspirants, qui nourrissent des rêves, mais qu’ils mettent de côté à cause de leur environnement familial, ou social. Parfois, ils n’ont pas le choix, alors on essaye de leur permettre de garder des portes ouvertes, d’aller vers leurs rêves », explique le danseur de popping.

Avec le festival Kairos, Ford Mckeown Larose espère aussi « redorer l’image du quartier ». « Les médias montrent seulement des aspects négatifs, des fusillades, la pauvreté… Alors que Saint-Michel, c’est bien plus que ça ! C’est beau et les gens sont solidaires, conclut-il. Ce serait génial que le plus gros festival de hip-hop se déroule non pas au centre-ville, mais à Saint-Michel et que tout le monde vienne ! »


 

Festival Kairos

Du 14 au 19 juin

À voir en vidéo