Rhodnie Désir, première artiste associée de la Place des Arts

La Place des Arts accueillera jusqu’en 2024 la danseuse, chorégraphe et documentariste Rhodnie Désir. Une grande première pour l’organisation qui offre déjà de nombreuses résidences pour les artistes, mais qui a voulu « aller plus loin » en offrant ses salles de répétition oui, mais aussi de l’accompagnement et la possibilité pour l’artiste d’intervenir dans les divers projets de l’institution. Cette nouvelle collaboration à long terme vise non seulement à permettre la naissance d’un projet de grande ampleur, mais aussi à favoriser un dialogue entre les différents organismes du Quartier des spectacles et le public.
En décembre 2020, Rhodnie Désir a été invitée à un panel à la Place des Arts. Elle a alors rencontré Clothilde Cardinal, directrice de la programmation, mais aussi Yannick Nézet-Séguin, chef de l’Orchestre Métropolitain de Montréal. « Cette journée a vraiment été un tournant pour moi, un moment à se remémorer, à célébrer », se souvient l’artiste. Même ressenti du côté de Mme Cardinal. « Ça a cliqué ! lance-t-elle. C’était justement à ce moment-là qu’on a lancé un premier appel à projets pour des résidences. »
Ma trame principale, c’est l’humain. Là, je vais chercher à savoir qui sont les humains derrière les institutions de la Place des Arts.
En effet, depuis près de vingt ans, la Place des Arts accueille des artistes, de tous les arts confondus, en résidence. Elle a notamment reçu Paul-André Fortier pendant plusieurs années, RUBBERBANDance ou encore plus récemment Kid Koala, ainsi que Michel Lemieux et Victor Pilon avec Les 7 doigts de la main. « On a six salles de répétition et on gère aussi des espaces publics et une salle d’exposition. On est moins connu pour ce parc que pour nos salles de spectacle », précise Clothilde Cardinal, directrice de la programmation. Pendant la pandémie, la Place des Arts a voulu offrir davantage ces espaces et a lancé un appel à projets. En 2021, 244 jours de résidence ont été offerts à plus de 124 artistes.
Cette même année, Rhodnie Désir a alors bénéficié de ces résidences. Cependant, à l’approche de la fin de celle-ci, Mme Cardinal et elle ont discuté pour poursuivre l’aventure d’une toute nouvelle façon.
S’ancrer davantage
« Ce que j’appréciais dans la pratique artistique de Rhodnie, c’était notamment le côté documentaire. On a des lieux publics, on parle à différentes clientèles… Je me suis dit que si on l’invitait, elle allait pouvoir prendre racine chez nous, être un pont dans l’écosystème de la Place des Arts », explique Clothilde Cardinal.
En effet, le travail de Mme Désir ausculte les mouvements sociopolitiques et les enjeux de société. Sa série chorégraphique documentaire Bow’t Trail se consacre à un travail de recherche documentaire sur l’héritage des cultures et rythmiques africaines des Amériques. Pour ce faire, l’artiste a parcouru six pays pour se documenter (Martinique, Brésil, Haïti, Mexique, États-Unis, Canada). De sa première œuvre Bow’t en 2013, sont nés un film, une série documentaire et un webdocumentaire. En 2020, Rhodnie Désir a été récompensée deux fois par les Prix de la danse pour son parcours et pour l’œuvre ambassadrice scénique Bow’t Trail Rétrospek.
Devenir artiste associée de la Place des Arts l’inspire à revêtir son costume de chercheuse. « Ma trame principale, c’est l’humain. Là, je vais chercher à savoir qui sont les humains derrière les institutions de la Place des Arts et comment on peut tisser des ponts qui deviennent durables, développe celle qui a longtemps travaillé en action culturelle. Je vais explorer chaque endroit avec un regard neuf, comme un jeu, revenir à la base et tisser des liens. »
Pour la Place des Arts, être associée à une artiste représente le fait de lui offrir des espaces de création, mais pas seulement. Cette association va plus loin que ça. « Je vois vraiment Rhodnie comme une écrivaine publique du corps. Elle pourra évidemment participer à nos diverses activités, mais aussi intervenir quand bon lui semble. On souhaite l’accompagner dans ses projets, mais elle va nous apprendre autant que nous allons apprendre d’elle », affirme l’ancienne programmatrice de Danse Danse. Avec cette collaboration à long terme, la Place des Arts espère « renforcer le rôle qu’on veut jouer dans la communauté dans les prochaines années, être plus ancré », confie-t-elle.
Un projet de grande ampleur
La Place des Arts et Rhodnie Désir se sont entendues sur un projet de grande envergure. Symphonie de cœurs, un des points culminants de leur collaboration qui prendra fin dans trois ans, est une pièce chorégraphique avec une vingtaine de danseurs, en collaboration avec, entre autres, l’Orchestre Métropolitain et Danse Danse, ainsi qu’une exploration documentaire avec l’ONF. « Je pars des failles, des instabilités du cœur, comme l’insuffisance cardiaque, le souffle au cœur, l’arythmie… Après avoir interrogé des personnes qui vivent avec ces anomalies, je vais essayer de faire un lien avec le contexte social. Est-ce que quelqu’un qui a une insuffisance cardiaque a manqué d’amour, par exemple ? » se demande-t-elle.
Ainsi, pour les trois prochaines années, la chorégraphe Rhodnie Désir va se pencher sur cette recherche qui deviendra peu à peu un « spectacle à grand déploiement », notamment en mettant en lien différents acteurs de la Place des Arts. « Comment faire pour unir nos univers, nourrir nos ambitions et ne pas défaire notre art ? Comment créer ce 3e art entre nous ? » se questionne-t-elle.
La Place des Arts, de son côté, s’engage à accompagner Rhodnie Désir, tant dans le prêt de salles que dans l’échange de conseils et d’expertise. « C’est un projet magnifique qui répond aux valeurs qu’on veut promulguer. On veut créer des œuvres qui s’inscrivent dans une réflexion durable sur le pouvoir des arts et sur la façon dont ils peuvent changer le monde », conclut Mme Cardinal.