«Stations»: Louise Lecavalier capture la frénésie de vivre

C’est un corps total que l’on découvre sur scène, un corps tout en subtilités qui dévoile une interprète virtuose.
Photo: André Cornellier C’est un corps total que l’on découvre sur scène, un corps tout en subtilités qui dévoile une interprète virtuose.

À bientôt 63 ans, l’incontournable Louise Lecavalier n’arrête pas de surprendre et, sa maestria, de laisser bouche bée. Pendant 60 minutes, dans Stations, à l’Usine C, elle habite la scène comme personne, le regard perçant, le corps agile, ancrée coûte que coûte dans un sol qui lui appartient. Dans ce solo fougueux, Louise Lecavalier recherche et innove, sa gestuelle nourrie de ses 40 ans de carrière, innervée de plusieurs vies.

Entre nonchalance et vélocité, Louise Lecavalier se connecte aux différents éléments scéniques tout en restant le centre d’attention. Les lumières tamisées dessinent au plancher des formes, des textures qui se mélangent au corps de l’interprète. Découpées et assumées, elles tranchent les différents moments de la pièce, tout en insufflant parfois la douceur d’un bleu, parfois l’intensité d’un rouge.

Au fil des quatre stations du titre, la créatrice change de décor pour s’immerger pleinement dans une nouvelle recherche gestuelle. On la suit dans cette exploration tout en se laissant porter par les sonorités variées, toujours rythmées. À la fois entêtantes et entraînantes, toujours fascinantes, les musiques électroniques côtoient le saxophone et des voix enchanteresses. Les univers se chevauchent pour dévoiler toute la complexité physique d’une interprète de renom.

Partition sauvage

 

Dès le départ, on sent la minutieuse recherche créative et chorégraphique qui s’incarne dans le corps de Louise Lecavalier. Au fil des minutes, elle se meut dans l’espace, parfois comme un pantin, parfois comme un animal, entre extase et délicatesse. Toujours dans la précision, elle partage avec nous le moindre détail de ses mouvements, dans une maîtrise corporelle impeccable. On la voit trembler puis mimer des gestes quotidiens pour ensuite découvrir une position inexplorée. Elle semble parfois jouer avec sa propre enveloppe corporelle, comme dans une longue improvisation scénique, tout en suivant une parfaite partition, souvent sauvage.

De simples ports de bras, une marche, un saut, un tour… tous les mouvements deviennent un infini de possibilités, un chemin, un processus par lesquels passer pour ressentir le réel et l’incarner, dans un espace suspendu, à la fois cognitif et somatique. Dans cette déconstruction, procédé assez récurrent de la danse contemporaine, Louise Lecavalier arrive à modeler du nouveau, à proposer de l’inédit. Danseuse, mais bien plus, la chorégraphe matérialise l’art du vivant par un corps mouvant et sentant, qui semble sans limites.

C’est un corps total que l’on découvre sur scène, un corps tout en subtilités qui dévoile une interprète virtuose. Tant dans l’extase que dans la méditation, Louise Lecavalier excelle. Bien que très physique, la pièce, qui avait été lancée au Festival TransAmériques (FTA) en juin dernier, transpire le ressenti de son interprète. Chaque gestuelle compte et s’immerge au cœur et au corps de la danseuse. Stations traduit une incarnation du monde qui va trop vite, mais qui, quand on prend le temps de le décortiquer, vaut la peine d’être vécu. Un moment suspendu qui fascine tant par sa perte de souffle que par son calme organique. Dans la folie ou le calme, Louise Lecavalier livre son intimité en mouvements, tout en contrôle, à un public captivé.

Au fil de la pièce, certaines gestuelles réapparaissent, comme des rappels naturels qui semblent toujours nouveaux pour l’interprète et petit à petit, le calme apaisant d’une musique détend et ralentit la frénésie pour faire place à la sérénité. Une douceur qui se traduit dans les gestes, mais pour seulement peu de temps puisque la vie reprend et la boucle jamais ne s’arrête.

 

Stations 

Chorégraphie et interprétation : Louise Lecavalier, a ssistante à la chorégraphie et répétitrice : France Bruyère. Une création de Fou Glorieux, en coproduction avec tanzhaus nrw, HELLERAU, Festival TransAmériques, Usine C, Harbourfront Centre, Performing Arts, Centre national des Arts, SFU Woodward’s Cultural Programs, Diffusion Hector-Charland. À l’Usine C jusqu’au 25 septembre. Au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke, le 26 octobre. En tournée au Québec en 2022.

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