Olivier Dubois: «Je danse et je me souviens»

Dans ce solo, Olivier Dubois prend la parole, contrairement à son habitude. Il interpelle la foule, fait passer une bouteille de vin, se met du parfum [...] Cette proposition, dont le protagoniste se dénude au propre et au figuré, émeut.
Photo: Pierre Gondard Dans ce solo, Olivier Dubois prend la parole, contrairement à son habitude. Il interpelle la foule, fait passer une bouteille de vin, se met du parfum [...] Cette proposition, dont le protagoniste se dénude au propre et au figuré, émeut.

On avait beaucoup aimé Tragédie et ses 18 protagonistes nus, entre messe et rave (passé en 2014 à Montréal). Dans Sortir au jour, un savoureux solo participatif, le français Olivier Dubois déroule le fil de son histoire de chorégraphe et d’interprète, en convoquant des fragments d’oeuvres choisis par le public. Entre fantastique histoire de la danse, one-man-show délirant et communion collective.

« Des milliers de gestes et de mouvements, des litres de sueur, des centaines de blessures, une bonne dose de joies et de peines… ». « On n’est pas au cinéma, on est au spectacle vivant, on bouge, les doudounes au fond ». « Je vous propose un jeu, un tribunal, une dissection, une percée à travers mon corps ». Dans ce solo, Olivier Dubois prend la parole, contrairement à son habitude. Il interpelle la foule, fait passer une bouteille de vin, se met du parfum. Au fond du plateau, une table avec une chaise et un ordinateur – il fera le DJ et sélectionnera lui-même des morceaux de musique au fur et à mesure que la soirée et les choix des spectateurs façonneront la pièce.

Car le dispositif élaboré par Dubois permet au public de tirer au sort des spectacles parmi la soixantaine d’oeuvres qu’il a interprétées. Les spectateurs se succèdent sur scène, ouvrent des enveloppes, choisissent des vêtements que le chorégraphe doit enlever. Celui-ci remonte le fil du temps avec force autodérision et humour, taquine et harangue le public, demande un joker, « va à confesse », interpelle la directrice de l’Agora : « Demain, on change tout, Francine ! ».

Tout au long de cette création qui n’est jamais la même, Olivier Dubois contextualise les extraits d’oeuvres, en donne l’année, la source, se moque de lui-même, de ses peurs et de ses désirs de jeune danseur, se moque des chorégraphes et de leurs exigences (« le spectacle est au bord du précipice »). En interrogeant la mémoire de son corps, il livre une formidable histoire de la danse et de ses gestuelles. Il attire aussi notre attention sur une certaine déconnexion de l’art — ou du moins, de certains artistes, de certaines démarches — à l’égard de la société : « Marche comme dans la rue ! » « Ma rue ou ta rue ? ».

Cette proposition, dont le protagoniste se dénude au propre et au figuré, émeut. C’est aussi la rare occasion de faire l’expérience de la formidable virtuosité d’un corps atypique sur scène, celui auquel le chorégraphe Andy de Groat disait « j’adore ton corps de patate ». Surtout, la fin généreuse de Sortir du jour – dont on gardera la surprise – rappelle qu’on danse avant tout pour être ensemble. Allez-y.

Pour sortir au jour, Olivier Dubois

Du 12 au 15 février, Agora de la danse, édifice Wilder

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