«Territoires»: le carnet de route d’une passeuse

Les danseuses forment des spirales en douceur, s’emboîtant le pas, avant de faire imploser l’espace aux sons d’un chant distant qui renferme un mystère à percer.
Photo: Michael Slobodian

Les danseuses forment des spirales en douceur, s’emboîtant le pas, avant de faire imploser l’espace aux sons d’un chant distant qui renferme un mystère à percer.

Artiste tournée vers l’ailleurs, sur près de trente ans, Lucie Grégoire a forgé sa singulière signature au gré de ses voyages dans des étendues désertiques. Suivant le principe du collage, la chorégraphe a revisité des formes courtes de son répertoire pour composer Territoires. Traversée par des influences multiples, l’oeuvre se lit comme le carnet de route d’une carrière de danse forgée aux contacts d’autres cultures. Accompagnée en scène de trois interprètes — Kim Henry, Isabelle Poirier et James Viveiros —, la chorégraphe fait, par la même occasion, acte de passation.

L’esthétique portée en scène, d’une grande sobriété, met en valeur les mouvements incarnés et le fort travail de présence caractérisant une approche de mouvements authentiques nourrie au butô. La beauté des costumes d’inspiration orientale — de longs jupons et pans de tissus noirs — participe à l’atmosphère de mysticisme traversant la pièce.

Rites et illuminations

 

Munie d’un long bâton de bois qu’elle fait résonner contre le sol, Lucie Grégoire dans un premier solo vient donner le ton. Pieds nus, un long trench-coat sur le dos, elle incarne un premier archétype de vieillard, sorte de Tirésias des temps modernes animé par une énergie extérieure. S’ensuit un duo féminin aux chorégraphies jumelles, mais non identiques. Les danseuses forment des spirales en douceur, s’emboîtant le pas, avant de faire imploser l’espace aux sons d’un chant distant qui renferme un mystère à percer.

De l’ensemble, on retiendra surtout ce moment impressionnant où le long bâton de bois de l’ouverture fouette les airs en tournoyant. Une scène puissante où James Viveiros incarne une figure guerrière chahutée par une divinité macabre.

Des rappels à la lenteur du taï-chi, à l’intensité du flamenco et aux rotations des derviches tourneurs se glissent d’un tableau à l’autre. On voyage ainsi à travers des rites personnels insondables, des transes nerveuses et des moments d’illumination, dont on reste cependant des témoins distants.

Territoires

De Lucie Grégoire avec Lucie Grégoire, Kim Henry, Isabelle Poirier et James Viveiros. Présenté par l’Agora de la danse, jusqu’au 10 novembre à l’Édifice Wilder – Espace danse.

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