L'École de ballet remet les pendules à son heure
Sans nier qu'il y a des problèmes d'organisation au sein de l'institution, la direction et le conseil d'administration de l'ENBC démentent les allégations d'abus et de méthodes pédagogiques obsolètes.
Presque huit mois après que des cas de harcèlement psychologique à l'endroit des élèves et des plaintes de parents et de professionnels de la santé eurent été rapportés dans les médias, l'École nationale de ballet contemporain (ENBC), seule institution de formation professionnelle en ballet au Québec, a convoqué la presse pour rétablir les faits en donnant sa version des choses.L'ENBC a donc décidé de changer son fusil d'épaule en optant désormais pour la transparence dans ce dossier pour le moins confus. «On souhaitait une rencontre informelle pour faire le tour des allégations faites à l'endroit de l'école et de son personnel, explique Martine Roméo, présidente du conseil d'administration de l'école. Ces allégations ne s'appliquent pas à l'école ou s'appliquent seulement à des événements ponctuels ad hoc.» Étaient aussi présents trois autres membres du conseil ainsi que le directeur général, Didier Chirpaz.
Si elle reconnaît avoir des problèmes de communications internes, l'école dément avoir forcé des élèves à danser malgré des blessures graves. «Une activité comme la danse génère toujours des douleurs ou des blessures: courbatures, micro-entorses, tendinites», rappelle M. Chirpaz. La politique de l'école en matière de blessures exige que l'élève soit dirigé vers des professionnels de la santé si la douleur persiste au-delà de deux cours. Les blessures aux genoux, au dos et aux hanches impliquent généralement un arrêt complet du jeune.
Mme Roméo renchérit en citant les conclusions d'une étude menée sous le sceau de la confidentialité par le Cégep du Vieux-Montréal (partenaire de l'ENBC pour assurer la part académique de la formation): «Les élèves ont dit ne pas subir de pressions ou de menaces de la part de l'école».
Pourtant, en avril 2002, l'Association des parents de l'école faisait part d'un manque de soutien aux élèves lors de blessures et de problèmes liés à l'anorexie et la boulimie qui n'auraient jamais été réglés par l'école, selon la présidente de l'époque, Ginette Dupont. La direction rétorque pour sa part que la même Association de parents, en février 2001, a refusé de mettre sur pied un comité paritaire, impliquant des parents, sur l'évaluation physique des élèves.
«Il y a eu seulement quatre cas de comportements anorexiques dans les sept dernières années, donc sur un total de 660 étudiants», précise M. Chirpaz, ce qui est en deçà des 3,5 à 6,7 % de cas qu'on retrouve habituellement dans ces milieux, indique-t-il. Il cite un seul cas (lettres à l'appui) d'élève qui ne s'est pas rendu jusqu'à un spécialiste, les parents n'ayant pas donné suite aux recommandations répétées de l'école.
Quant aux pratiques pédagogiques, jugées obsolètes par certains, M. Chirpaz a rappelé qu'avec des professeurs de Russie, d'Écosse, de France et du Canada, il est impossible d'avoir une pédagogie unifiée. Faible défense qu'un plan de cours soumis à notre attention et dépourvu d'objectifs généraux n'a pas su étoffer.
Il reste aussi que l'institution a essuyé une série de démissions et de burn-out et effectué plusieurs congédiements dans les dernières années, que les témoignages livrés dans les médias et les arguments servis par l'école ressemblent beaucoup à ceux dépeints dans un rapport sur une crise semblable qu'a connue l'École de l'Opéra de Paris. L'ENBC invoque à cet égard la «ligne de pensée mise en oeuvre» depuis l'arrivée de M. Chirpaz afin de remettre l'école sur les rails après la difficile période post-Ludmilla Chiriaeff (la fondatrice), une réorientation «qui peut heurter les gens mis à l'écart.»
On ne peut qu'espérer que la situation s'éclaircisse, ou s'améliore, avec la signature imminente du protocole d'entente soumis par le ministère de la Culture et qui contient des clauses relatives à une plus saine gestion de l'école.