«Plastic Heroes» — Les guerres des autres

Faire en sorte que l’on s’attendrisse à la vue d’un félin faisant sa toilette ou que l’on s’esclaffe en suivant un entraînement de soldats qui parlent en onomatopées ; l’inventivité du théâtre d’objets continue d’impressionner. L’artiste israélien Ariel Doron emploie cette forme pour tourner la vie guerrière et sa cruauté en ridicule dans Plastic Heroes, une courte pièce aussi ironique que cabotine.
Créée en 2014 à Jérusalem puis présentée dans de nombreux festivals et dans plus de 20 pays, la pièce est constituée d’une succession de tableaux aux accents comiques mettant en scène une opération militaire déployée sans cause apparente, mais avec de tristes conséquences.
Des jouets constituent les personnages : un tigre en peluche et diverses versions de soldats jouets composent l’essentiel de la distribution que Doron anime joyeusement. Le marionnettiste implique aussi abondamment son propre corps et les expressions de son visage en amplifiant les figures en scène, souvent pour nourrir la comédie.
Le spectacle représente des scènes que l’on associe à la vie militaire — la discipline, l’ennui, la vulgarité, le mal du pays — et les tourne en dérision. Les GI ridiculisés sont surtout des consommateurs de Coca-Cola, de barres chocolatées et de pornographie aux soupirs insistants, ainsi que des amoureux de poupées sentimentales et des déserteurs aux vocations artistiques. Dans cette série de séquences au drôle parfois appuyé, quelques jolies lenteurs, un tableau farouchement absurde et une funèbre finale se démarquent.
Après les rires et l’émerveillement qu’elle suscite, la représentation offre assez peu de matière à réflexion. Il est d’ailleurs étrange de constater qu’une pièce sur le rapport à la guerre nous laisse davantage sur notre fascination face à un tigre qui agite lentement sa queue. Loin du contexte sociopolitique de sa création, la part de revendication de Plastic Heroes devient soudainement lointaine. Mais remarquer ce décalage donnera peut-être aux plus curieux l’envie de s’interroger davantage sur la situation israélienne, ou encore sur notre rapport à nos propres soldats et les opérations militaires menées en notre nom.