Objets animés, corps habités

L’artiste visuelle Jacinthe Derasp et sa sculpture de papier ailée
Photo: Simon Allard L’artiste visuelle Jacinthe Derasp et sa sculpture de papier ailée

L’interaction corps-objet et les possibilités d’extension, voire de mutation, de notre véhicule de chair s’inscrivent au coeur des préoccupations artistiques actuelles. À l’aide de supports technologiques sophistiqués, le domaine des arts visuels voit la prolifération de structures de plus en plus organiques. Des dispositifs dans lesquels la danse a un rôle primordial à jouer quant à l’appréhension du mouvement. Avec l’événement Métamorphose, le Studio 303 propose un véritable lieu de contact entre des créateurs de mouvements et des concepteurs de structures vivantes et innovantes.

Les artistes visuels du collectif CHA présenteront une installation lumineuse de 360° que la chorégraphe Annie Gagnon habitera lors d’une série de performances. Collaborateurs de longue date, Paul Chambers et David-Alexandre Chabot sont les prestidigitateurs aux lumières et à la scénographie d’une pluralité de créations de la scène contemporaine en danse (à Tangente, au Studio 303).

Au lieu de partir du mouvement ou d’un thème, leur particularité est de placer le concept visuel à la base de leur création, pour ensuite y intégrer d’autres disciplines. « Présentement, nos recherches tournent autour de l’idée de la perception : celle de la lumière, de la couleur et de l’espace. Qu’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur, cette installation explore les multiples perspectives. En permettant au spectateur de se promener, il a le pouvoir d’expérimenter l’oeuvre dans toutes ses dimensions et de découvrir deux différentes facettes et univers, » affirme Paul Chambers.

La chorégraphe Annie Gagnon ayant étudié en arts visuels, l’interaction corps-objet occupe aussi une place centrale dans sa démarche. Elle greffera ses mouvements au masque lumineux conçu pour l’occasion. « Des fois, la lumière peut être très froide, très abstraite. Ce qui nous intéressait, c’était de voir à quel point on pouvait se servir du corps pour manipuler les lumières. D’autres sources lumineuses seront installées sur le corps d’Annie pour alimenter et faire bouger la lumière. On essaie ici de donner un côté humain à la lumière », ajoute le concepteur.

Un dispositif où le jeu avec la noirceur et les contrastes de lumière devient majeur. L’interaction, organique entre la structure et le corps, est aussi orientée vers une relation personnelle avec chaque spectateur et la performeuse, tirant son inspiration de ses nombreuses collaborations avec Aurélie Pedron.

Les néo-Icare

 

Corps du futur ou corps fantasmé ? Intéressée aux structures architecturales modifiant l’espace, l’artiste visuelle Jacinthe Derasp, dans HERMES, compose à partir d’une imposante sculpture de papier prenant la forme d’une aile. « Dans le processus de création, au fur et à mesure que la sculpture se transformait et grandissait, je me suis rendu compte que la relation avec le corps était très importante. C’est alors naturellement qu’est venue l’idée d’intégrer le mouvement », affirme-t-elle. À la suite de la présentation du court métrage HERMES à Concordia, la chorégraphe et interprète Bettina Szabo est allée à la rencontre de la réalisatrice. Le projet a ainsi muté en une performance.

Pour la danseuse, c’est l’occasion d’explorer les textures et aspérités du mouvement à travers une approche somatique. « La gestuelle est assez exigeante. Il s’agit d’établir un rapport avec le ressenti, de trouver un parcours interne dans mon corps afin de voir comment la structure peut à la fois me mouvoir, mais aussi devenir une extension de moi », explique Bettina Szabo.

Cette entité, qui à la fois complète le corps et en est séparée afin de le rendre plus organique, s’inspire d’images maritimes telles que les mouvements de l’océan, des glaciers et de la faune marine. Faisant référence au messager des dieux grecs, leur travail évoque la constante transformation et la transportation dans différentes réalités. Un paysage sonore bâti en temps réel agrémentera la performance en intégrant les sons produits par l’interaction de Bettina Szabo avec la sculpture.

Misant sur un truchement des perceptions auditives et visuelles, les deux démarches présentées dans Métamorphose défient les sens et s’engagent dans une esthétique visionnaire au confluent des disciplines, des langages et des techniques.

Métamorphose

Projet collaboratif de Paul Chambers, Annie Gagnon, David-Alexandre Chabot, Bettina Szabo et Jacinthe Derasp. Au Studio 303 les 8 et 9 octobre.

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