À la recherche d’un fil d’Ariane

Le rendez-vous était fixé au 3700 rue Berri, ancien Institut des sourdes-muettes des Soeurs de la Providence. La chorégraphe Aurélie Pedron et ses 12 danseuses invitaient le spectateur à trouver son propre fil directeur dans le dédale onirique de La Loba. Douze microperformances aux scénographies remarquables réparties entre le rez-de-chaussée et le troisième étage de ce lieu austère, sinon clérical, aux murs chargés de mémoire.
De l’obscurité à l’illumination graduelle, on nous permet de saisir des instantanés d’un tableau vivant à un autre, pour finir par revenir sur nos pas au gré de nos affinités.
La Loba est une profusion de sensations et d’impressions, évoquant des images enfuies dans la mémoire collective. Du solo de Karina Champoux en Mélusine, femme-serpent à la peau qui mue, aux murmures et déglutitions de Karina Iraola rappelant, sans nous brusquer, l’ambiance des films d’horreur dans un garde-manger. Créature tapie dans la pénombre, à la lueur d’un faisceau rouge, ses mains s’offrent peu à peu à notre regard (claustrophobes s’abstenir !).
D’une cécité à une autre, le duo aveugle d’Anne Thériault et Audrée Juteau évolue aux côtés d’une peau de loup suspendue, qu’on retrouvera sur le dos de la performeuse et voisine de chambre, Rachel Harris. Bien que dispersés aux quatre coins de l’édifice, des symboles se répercutent de scène en scène, nous amenant à tisser notre propre épopée évolutive.
En miroir, les solos d’Ariane Boulet et de Lucie Vigneault, l’une plongée dans une baignoire rectangulaire tête sous l’eau respirant par un tube, l’autre prisonnière d’un cube de tissus vaporeux, jouent sur les substances et les variations autour du même thème de la séquestration.
Emmurés entre transe et torpeur
Le résonnement des objets scéniques — blocs de glace, échelles, enseignes métalliques et luminaires — agrémente l’ambiance sonore signée Michel F. Côté. Écoulements, grincements, tintements, micros et amplificateurs au sol crachant ici et là des larsens, appuient le côté lynchesque des différentes propositions. Le goutte-à-goutte constant dans des écuelles, bassines et seaux deviendrait presque un instrument de mesure, une métaphore du temps de la représentation devenant palpable, s’écoulant et fuyant entre les murs.
De toutes ses performances se dégagent une torpeur, un saisissement, une surprise, chaque mouvement si minimal soit-il, chargé d’une intentionnalité. Le solo de Catherine Tardif, vêtements déchirés, enfouissant ses bras dans un monticule de terre sur une vitre lumineuse, nous fait franchir un pas dans une émouvante lugubrité.
De ce parcours, on déplorera l’impossibilité d’explorer toutes les chambres lors de la première ce mardi, les performances « un à un » réservées aux quelques chanceux qui auront pu s’inscrire sur une liste. L’attente devant certaines salles nous fait quelque peu sortir d’une toile narrative intime que l’on peut tisser entre les différents tableaux. Pour autant, à la sortie de ces chambres de bois, les saynètes continueront à résonner dans le long couloir sinueux de nos mémoires.