Petite messe du temps présent
Atterrissage en douceur pour cette fin de parcours du Festival TransAmériques, côté danse. Room with Sticks livre une petite messe du temps présent.
La pièce met beaucoup de temps à prendre son envol. Pendant le premier tiers — voire la moitié ? — de l’heure que dure la représentation, on se demande où nous emmènent les trois performeurs. Petite irritation. La chorégraphe torontoise Ame Henderson, qui a déjà présenté deux pièces au FTA, et le routier soliste Tedd Robinson, tous de blanc vêtus, visages cachés, tâtonnent lentement, se couchent ou se mettent la tête en bas dans un fond de scène immaculé. En parallèle, le jeune compositeur Charles Quevillon s’élance dans une curieuse chorégraphie sonore maniant vigoureusement des branches d’arbre et des cordes dont l’écho, en fouettant l’air sous les micros suspendus, se répercute dans la salle.
Deux recherches distinctes
Mais encore ? Jusqu’ici, la pièce, qui se développe par petites accumulations, apparaît faite pour déambuler à ses côtés, dans un hall de musée, plutôt figée devant un public assis. Il faut dire que la performance est née de deux recherches distinctes, suscitées par Tedd Robinson dans l’ex-grange qui lui tenait lieu de studio en Ontario. L’artiste imprégné de ses six années d’études comme moine dans un monastère zen d’Ottawa, y trouvait assez de parenté pour les réunir.
Quand soudain Henderson sort du théâtre — littéralement dehors —, Room with Sticks bascule. La performeuse revient avec une bûche de bouleau, puis trois, et encore trois autres, qu’elle superpose méticuleusement alors que s’échafaude la petite architecture sonore faite de sons organiques et de voix. Robinson se met de son côté à garnir les poutres de bois qui jonchent la scène de petits objets, figurines, statuettes. Et par-dessus, il y fait tenir de longues branches. Émerveillement.
Alors surgit avec force une petite fable écologique : la fragilité au coeur de toute chose vivante, la périlleuse quête d’équilibre et l’ouverture à l’imprévisible. Car leurs constructions parfois s’effondrent, mais ils reprennent leur jeu de construction. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage…