Festival TransAmérique - Individualités qui s’entrechoquent
Après avoir pris le pouls du corps humain dans Onde de choc, O Vertigo prend le pouls des sociétés en ébullition depuis le printemps arabe. Khaos met en scène et en danse les individualités qui s’entrechoquent et se réconcilient momentanément.
Dans un décor de tiges de bois plantées au sol, les neuf interprètes vont et viennent entre l’ardent désir d’affirmation de soi, la chape du conformisme social et une espèce de mélancolie de l’être ensemble. Ces figures émergent de la chorégraphie même.
Les scènes d’unisson, toujours brèves, éclatent en de multiples trajectoires. Les trios s’interposent. Les duos sont tendus entre confrontation, manipulation du partenaire comme une poupée mécanique et envols exaltés, si typiques du langage de la chorégraphe Ginette Laurin. Les solos s’articulent souvent autour d’une petite gestuelle fébrile des bras et des mains, irrépressible besoin de se dire. Une main levée reviendra comme un motif lancinant, entre l’appel de l’autre et le désir de sortir du lot, de la masse.
Aucune de ces infinies déclinaisons des formes ne s’impose - Khaos oblige. Mais elles tiennent finalement plus de l’alternance ordonnée que de l’enchevêtrement réellement chaotique, mécanique trop visible, prévisible, qui s’épuise un peu.
La scénographie (Marilène Bastien) alimente l’impression de foule tantôt réunie, puis divisée. La musique (Martin Messier), qui joue dans les basses, met en relief les interférences et désaccords. Des dispositifs au sol amplifient le son des pas, tantôt frottement, piaffement quasi militaire. D’autres offrent une résonance sonore aux corps à corps, s’avérant particulièrement efficaces dans une scène de triangle amoureux.
Tout cela est beau, mais c’est trop. Plutôt que de se faire complémentaires, ces trames s’accumulent pour dire la même chose et mettent par moments la chorégraphie au service de l’effet. Reste que Ginette Laurin et ses généreux danseurs explorent à fond la gestuelle du lien espéré, tendu, rompu, renoué…