Le solo, moteur de création

Elle crée des chorégraphies de groupe depuis plus de dix ans. Pourtant, «je vois toujours mes œuvres comme des solos», dit Dominique Porte en entrevue au Devoir. Lorgnette qui lui sert à mieux décortiquer le rituel de la création et, en parallèle, son propre parcours de chorégraphe-interprète dans le solo JE.
Qu'y a-t-il à l'origine d'une danse? Quelques mots jetés sur papier, un dessin, un flash, un état, une idée abandonnée, puis retrouvée, répondra pêle-mêle la chorégraphe. «C'est une impulsion», résume-t-elle.Quoique, bien souvent, avant même ces premiers balbutiements, il faille mettre sa biographie et décrire son projet à des fins de demandes de subvention. Routine qu'elle nargue un peu en revenant au naturel et à la légèreté du solo, surtout après son ambitieux projet de danse chorale Ulysse, nous et les sirènes, présenté en 2010.
«Revenir à une intuition immédiate, ne pas avoir à tout justifier, faire autant de changement que je veux, lance-t-elle comme autant de souhaits. J'ai voulu faire une biographie du corps, et mélanger les étapes de création», dit-elle.
JE reprend donc l'esprit spontané qui a présidé à toutes ses dernières résidences de création. «Je me suis amusée comme une folle avec le même dispositif à chaque fois: une caméra, quelques pages blanches, mon iPod...», raconte-t-elle.
Ce joli chaos créatif a donné le ton. Et elle en a ensuite peaufiné la structure. Un vidéaste a transformé les pages blanches en images, les mots tantôt écrits en direct par la danseuse-chorégraphe, comme sur un tableau, tantôt enregistrés et reprojetés.
La biographie mi-fictive et mi-réelle fera aussi des clins d'oeil à la technique indienne du barhata natyam qu'elle affectionne ou à ses collaborations avec José Navas ou Marie Chouinard, ponctuées de plusieurs extraits de musiques de ses pièces antérieures. «Je me suis même fait une mort du cygne [sur la musique de Tchaïkovski].»
Histoire de la danse, personnelle et fiction
«Bref, c'est quelqu'un qui raconte son histoire en étant au service de la danse, alors c'est aussi un hommage à l'interprétation et à ce double mouvement [qui lui est inhérent].»
Donner corps à l'idée qui surgit dans l'esprit, voilà une quête que l'artiste poursuit depuis longtemps. C'était l'idée même de Cortex, qui marquait son passage au travail de groupe en 1999. Juste avant, Sept gouttes et des poussières tentait de calligraphier le mouvement de la pensée.
Il fallait bien un nouveau solo pour relancer l'inlassable recherche. Et qui plus est à Tangente, l'antre chorégraphique (itinérant, cette année) dédié aux écritures émergentes qui l'ont vu naître.