Danse - Tedi Tafel, de janvier à janvier

La chorégraphe Tedi Tafel reprend à partir de demain Janvier, une des douze pièces-performances in situ qu'elle a présentées, à raison d'une par mois, tout au long de l'année 2010. Une danse des saisons, du cycle du temps, de la nature et de la ville. Calendrier solaire.
Pour ce Janvier, les spectateurs sont conviés dans un ancien bâtiment ferroviaire, rue Rose-de-Lima, près du métro Lionel-Groulx, au moment de leur choix entre 18h et 21h. En dehors d'un théâtre, hors du sempiternel début à 20h, en laissant au spectateur la liberté d'aller et venir, de rester peu ou prou, de repartir. Vingt ans déjà que Tedi Tafel fait de l'in situ, qu'elle présente ses événements un peu partout et un peu n'importe où, laissant au public une grande, très grande liberté.«Je veux voir le corps expressif dans de vrais lieux. Je veux que l'art et la vie soient moins séparés», confie de sa voix très douce et de son fort accent anglais la chorégraphe dans un entretien téléphonique au Devoir. «J'aime l'interaction avec le lieu, que le corps réponde réellement, concrètement à ce qu'il voit, que ce soit un escalier ou la façon dont la lumière perce. Je veux vivre dans un monde où l'art est plus présent dans nos vies quotidiennes, où il est là pour confronter, et pas de manière agressive, mais de façon poétique. C'est pas nécessaire que la vie soit si plate en ville. Tous les arts ont quelque chose à y apporter.»
Janvier a été créé à pareille date, il y a deux ans, comme premier volet de la série Calendar. Chaque mois, ensuite, Tedi Tafel signait un événement — une danse, une vidéo d'art qu'elle avait tournée pour ramener la nature entre les murs, une intervention, souvent un mélange de tout ça —, présenté dans une vieille banque, une ruelle ou un jardin privé.
L'inspiration? Le cycle des saisons, les transformations graduelles de la nature et leurs influences sur le corps. Afin que ce concept ne reste pas qu'une idée, la chorégraphe s'est retirée dans un chalet, plein bois. Un mois chaque saison, afin de renouer à la fois avec son monde intérieur, ses images et les mouvements, aussi minimes ou microscopiques soient-ils, de son corps.
«La nature est partout. Parfois on oublie qu'elle demeure présente, même en ville. C'est mon désir de ne pas oublier qu'on est toujours connecté avec la température, le mouvement des arbres, la lumière — la nuit, le jour —, ses flots.» C'est avec ce bagage de sensations qu'elle entre ensuite en studio retrouver ses danseurs et collaborateurs, pour leur composer des paramètres d'improvisation. «La structure, la gestuelle, l'état émotionnel de départ, les façons d'être en relation, c'est tout décidé. C'est comme les fondations d'une maison. Mais la couleur des murs peut changer en un instant, quand les interprètes se sentent assez libres dans la danse pour se permettre d'être vus, un moment, dans leur réelle vulnérabilité.»
«Il y a une lenteur dans mes images et dans ma danse, pour ces pièces. Les images restent longtemps, pour donner le temps au public. L'idée, c'est que l'état du spectateur change pendant l'événement, qu'il ralentisse, qu'il se transforme lentement.» Et Janvier, où la vie se terre sous la glace, est propre aux jeux de noirs et de lumières, au rallentando.
«Je crois que tous les éléments qui se sont retrouvés dans la série Calendar sont présents dans Janvier: la façon dont je travaille avec le corps, la collaboration avec le son, la lumière, le mouvement. C'est une pièce qui parle bien de la façon dont je travaille avec tout l'environnement.»
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Studio 303 et l'Agora de la danse présentent Janvier, de Tedi Tafel. Avec Leslie Baker, Bill Coleman, Dean Makarenko, Lin Snelling. Au 661, rue Rose-de-Lima, à Montréal, du 13 au 22 janvier.