L'épreuve douce-amère de la création

Des finissants des Ateliers de danse moderne de Montréal en pleine répétition.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Des finissants des Ateliers de danse moderne de Montréal en pleine répétition.

Le Cru d'automne des finissants des Ateliers de danse moderne de Montréal (LADMMI) — avant les ultimes Danses de mai, opus 2012 — se joue cette semaine — l'ultime autour de trois œuvres: Partition, signé Marc Boivin, Duet de Sasha Ivanochko et Elles à l'infini de Lise Vachon. Le défi? L'enjeu est autant (voire plus) artistique que pédagogique.

En état de travail

La pédagogie par le spectacle et la création n'a rien de nouveau pour ces jeunes danseurs en herbe, qui s'y frottent dès la deuxième année de formation. Mais «on arrive en fin de formation, alors il y a quelque chose de plus marquant dans notre virage vers la vie professionnelle», souligne Louis-Elyan Martin, un des 16 danseurs qui seront sur scène cette semaine.

Comme d'habitude, les trois pièces au programme découlent de créations toutes fraîches et non de commandes liées aux objectifs pédagogiques. Un pari à la fois risqué et riche en apprentissages.

«On forme les danseurs à travers un processus de création», indique Marc Boivin, danseur émérite et enseignant à LADMMI depuis 1987, qui signe la pièce Partition. «Mais c'est un contexte pédagogique. Personnellement, je me sens une certaine responsabilité d'être équitable envers tout le monde, de donner assez de défis à tous les danseurs. Outre ça, c'est de la création pure.»

Ici, la seule figure imposée est la répartition des 16 danseurs en deux équipes de huit pour les pièces Duet et Elles à l'infini. «Le fait que ce soit deux groupes, c'est vraiment intéressant, ça permet de travailler à fond sur la personnalité de chacun des danseurs», se réjouit Louis-Elyan, Français qui a découvert la danse contemporaine à Montréal.

Partition, pour sa part, réunit tous les finissants sur scène, un «rare privilège», note le chorégraphe, qui en a profité pour aborder un thème se prêtant au foisonnement des interprètes, des corps et des pensées qui s'entrechoquent.

«J'ai voulu mettre les individus en état de travail», dit-il, fasciné par tout «ce qui se perd, se crée, s'essaye, se construit, se déconstruit quand les humains créent ou essaient de résoudre des problèmes». Travailler, c'est «transcender le quotidien», selon lui.

C'est en captant les bribes de répétitions d'un ensemble de musique ancienne, en Allemagne, qu'il a eu cette intuition. En guise de clin d'oeil, il a donc choisi pour musique l'Ave Verum corpus, interprété par l'ensemble vocal Kô et recomposé par Diane Labrosse. Celle-ci a aussi intégré des enregistrements du «travail», des répétitions de l'ensemble vocal.

Cette vision de la noble tâche sied parfaitement à l'état d'esprit des finissants, prêts à casser la baraque, à aller au-delà d'eux-mêmes. En répétitions, «il fallait aller chercher une zone où on sent qu'il y a un effort supplémentaire, un dépassement, indique Louis-Elyan. En troisième année, on a besoin d'arriver à un point où on se dit qu'on a tout donné.»

Duos et elles


Au défi plus technique et physique de Partition s'oppose le défi d'interprétation de Duet, note Louis-Elyan. La pièce met en scène des duos et déploie une gestuelle qui dérive davantage des états des personnages, de la complexité des relations humaines, que d'une danse enlevée et plus formelle. En travaillant avec deux danseurs à la fois, «Sasha [Ivanochko] avait beaucoup de temps pour aller au coeur des choses», dit le jeune danseur. Et camper un univers résolument plus noir, empreint d'une certaine violence.

Chorégraphie toute féminine, Elles à l'infini de Lise Vachon, chorégraphe ontarienne exilée à Bruxelles, explore l'idée de l'infini, sur une note toute féminine et harmonieuse. «Elles sautent, elles planent, c'est du release, de l'unisson», résume Louis-Elyan. Trois pièces très variées, donc, qui permettent de voir les jeunes danseurs sous tous leurs angles.

Encore en spectacle ce soir, leurs cadets de deuxième année ne sont pas en reste, avec des créations de Chanti Wadge et Pierre Lecours, assistant de la chorégraphe Hélène Blackburn. Deux univers diamétralement opposés qui se rejoignent dans la théâtralité. Établissement de formation renommé, LADMMI fêtera ses 30 ans en 2012. Un anniversaire marqué par la transition, puisqu'il changera de nom et de logo pour l'occasion. Sa désignation actuelle ne correspond plus à la réalité actuelle de la danse, ni à l'identité et à la mission de l'établissement, qui s'appellera tout simplement École de danse contemporaine. Enfin, après des années à plancher sur différents scénarios de déménagement, l'École s'installera dans les futurs locaux de l'édifice Wilder, rue de Bleury, en 2014.

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Cru d'automne des finissants des Ateliers de LADMMI
Du 14 au 17 décembre

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Les danses de la mi-chemin 3/6
Du 7 au 10 décembre

À voir en vidéo