Danse - Les 20 ans du 303
Depuis 20 ans, le Studio 303 est le laboratoire de la danse à Montréal. À la fois studio, école, galerie d'art et théâtre de poche, le lumineux local de l'édifice Belgo, rue Sainte-Catherine, sert à toutes les explorations. Et s'offre en cadeau d'anniversaire le gala VINGT, un collage chorégraphique où 20 chorégraphes présentent chacun une nouvelle création de trois minutes trois secondes (une référence au nombre 303).
La force du Studio 303, depuis 20 ans? Les spectacles thématiques vernissage-danse. « La soirée est comme un plateau de hors-d'oeuvre, explique la directrice Miriam Ginestier, et donne un aperçu de plusieurs styles. Un contexte qui donne de la liberté aux artistes comme à l'auditoire. » Belle façon pour le néophyte de découvrir à petit prix ce que peut être la danse, dans toute sa diversité. Car le Studio 303 met en vedette le travail des artistes d'ici comme d'ailleurs.« Les artistes étrangers nous demandent un appui supplémentaire. On est souvent un morceau dans un puzzle pour aider un projet plus large », explique la directrice générale et artistique. Et le spectateur peut parfois voir au 303 l'esquisse d'une pièce qu'il retrouvera quelques années plus tard dans une grande salle. Le Salon automate de Nathalie Claude y a ainsi vu le jour, en pièces détachées, et Marie Brassard y a donné les premières versions de Jimmy, créature de rêve.
Les cabarets et les artistes
Petite histoire: en 1989, les chorégraphes Martha Carter, Jo Leslie et Isabelle Van Grimde ouvrent le 303 afin d'avoir leur propre lieu de création. De Vancouver, Martha Carter se remémore: « On a appris rapidement qu'il y avait beaucoup, beaucoup d'artistes à Montréal et peu d'argent. Après six mois, on ne pouvait garder l'espace seulement pour nous. On a ouvert les portes pour générer des revenus et on a vite vu qu'il y avait un besoin pour un endroit qui n'imposait pas de modèles. » Ateliers et classes sont ajoutés au menu, pour boucler le budget. Rapidement, tout un volet interdisciplinaire vient se déployer au 303. Miriam Ginister travaillait déjà là il y a 20 ans, y faisant un peu de tout, des inscriptions à la recherche de financement.
« À l'époque, se rappelle-t-elle, on montait de nombreux cabarets pour payer le loyer, avec des créateurs de toutes les disciplines. On avait donc un bassin d'artistes variés. Très vite, on a inclus à nos soirées le groupe de musique expérimentale de Maryse Poulin, par exemple. Et depuis que le Bureau inter-arts [du Conseil des arts du Canada] existe, on a baptisé Série interdisciplinaire tous ces trucs bizarres qu'on fait, comme Bruit du noir [où le public assiste à un spectacle sonore dans le noir complet], le Home Show [qui reproduit des pièces de la maison, version réduite, pour donner à un spectacle une ambiance quotidienne et intimiste] et projet/projo [un déambulatoire alliant vidéo et performance]. »
Pour la cofondatrice Martha Carter, l'époque avait soif d'un lieu de création indiscipliné. « Montréal était alors très différente. Beaucoup de gens étaient partis à cause du premier référendum. Plusieurs artistes restaient sans emploi et avaient une grande énergie à dépenser. Le fait que Montréal se battait pour la culture québécoise a fait naître un lieu fertile pour la création artistique. » Ajoutez les loyers peu coûteux d'alors et vous avez une recette gagnante « Je venais de New York, se souvient Carter, où les compressions financières énormes hypothéquaient les explorations. Tout était très technique. Je suis arrivée à l'Université Concordia pour enseigner et j'ai passé la première année complètement mêlée: les étudiants de Montréal n'avaient pas la technique, mais des idées incroyables! Et la Ville mettait de l'argent dans la culture et ouvrait la possibilité d'explorer. »
Malgré ces conditions gagnantes, le 303 a longtemps dû lutter pour sa survie. Ces jours-ci, la situation est stable, « entre autres parce que, tout à coup, l'émergence est soutenue, analyse Miriam Ginestier. J'espère que ce n'est pas un effet de mode. On n'a pas encore assez de subventions récurrentes pour faire de la diffusion ni pour assurer notre survie à moyen terme. On prévoit un ou deux ans d'avance. Mais c'est un défi, et j'aime bien faire avec ce qu'on a. »
Lundi soir dernier, un joyeux bordel débordait du studio où allait se répéter VINGT. Danseurs et chorégraphes discutaient, s'échauffaient, jacassaient, tous en même temps, entre un tuba, une grosse caisse et un gamin heureux d'avoir le droit de courir partout. Chaque chorégraphe livrera le 6 octobre prochain une création sur une musique originale d'Alexis O'Hara, dont les premier et dernier mouvements ont été imposés par la directrice du 303. Louise Bédard, Emmanuel Jouthe, Tonja Livingstone, Sarah Williams, Frédérick Gravel, Daniel Soulières et Dana Michel, pour ne nommer que ceux-là, seront de la fête. Tous les artistes sont bénévoles... et la soirée sert de collecte de fonds pour le 303.
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Collaboratrice du Devoir
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VINGT
Spectacle pour le 20e anniversaire du Studio 303, à la Cinquième salle de la Place des Arts, le 6 octobre à 20h