Danse - Droit au coeur

Trois fois touché! La séduisante danse de la Compañia Nacional de Danza de Madrid a encore une fois frappé droit au coeur des Montréalais. Et pour cause, le plus lyrique des chorégraphes contemporains, Nacho Duato, signe ici trois oeuvres de tempérament très différent, mais toutes d'une grande beauté et, suprême qualité de Duato, d'une étonnante musicalité.

La danse fait plus que jamais corps avec la musique dans le très ludique Txalaparta, inspiré de l'instrument en bois du même nom qui remonte aux temps anciens de la culture basque. La composition de Kepa Junquera et Oreka Tx fait jaillir des sonorités étranges, plus sèches que la marimba, avec lesquelles les 14 danseurs dialoguent agilement.

Toujours d'une grande fluidité, la gestuelle est toutefois plus carrée que ce que l'on voit habituellement chez Duato et donne aux interprètes une allure de lutins, créatures de la terre qui se nourrissent de rythmes comme d'autres le feraient du soleil. De fait, la pièce ressemble à une grande messe joyeuse du rythme, célébrée sous la protection d'une immense double structure en bois qui s'articule et se désarticule pour accompagner la danse. Un décor signé Jaffar Chalabi, dont l'ampleur ne sied pas à toutes les scènes, faisant de Montréal la première ville nord-américaine à l'accueillir depuis sa création en 2001.

Le poignant Castrati prend le public aux tripes, d'autant plus qu'il est interprété, chose rare, par neuf superbes danseurs masculins tantôt vêtus de robes noires tantôt de corsets. Ils incarnent la douloureuse et sublime condition des castrats, ces hommes au sexe mutilé qui accédaient ainsi à une voix de femme, à qui l'on interdisait de chanter dans les opéras aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.

Entre deux tableaux tout en puissance sur la musique de Karl Jenkins, dominée par la poigne des bourreaux, se déploie la danse plus fragile et tourmentée d'un futur castrat en attente de son supplice, sur des airs de Vivaldi.

On donnera quelques points en moins à White Darkness, plus proche du ballet narratif classique. La beauté des tableaux demeure, mais n'a ici ni l'âme ni l'originalité des deux premières chorégraphies. Difficile de croire à l'univers de la drogue que la pièce prétend mettre en scène. Une femme y est terrassée par l'addiction, incarnée par un partenaire forcené et des chutes de sables métaphoriques, qui finiront par l'anéantir.

Nacho Duato ne réinvente pas la danse, mais il célèbre ses fondements classiques (musicalité, lyrisme, grâce) avec une telle force que même le public anticlassique y succombe.

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Txalaparta, Castrati et White Darkness

Compañia Nacional de Danza, Chorégraphies: Nacho Duato. Jusqu'au 8 mars à la salle Wilfrid-Pelletier

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