Une saison de haut vol

Photo: Leda & st.jacques
Une scène de Suites cruelles, de la chorégraphe Hélène Blackburn
Photo: Photo: Leda & st.jacques Une scène de Suites cruelles, de la chorégraphe Hélène Blackburn

Hiver de force, printemps de grand cru. 2008 annonce une saison danse de haute voltige, qui change d'un automne passé souvent au ras des pâquerettes. À vue de nez seulement, il ne faudra pas manquer la première visite de Jan Fabre, la nouvelle création de Marie Chouinard, les retours d'Anne Teresa de Keersmaeker et d'Ultima Vez, une première création de Ohad Naharin pour les Grands Ballets canadiens (GBC) et l'incursion de Margie Gillis dans le travail de groupe avec huit illustres danseuses.

Les grands rendez-vous québécois alternent avec des canons internationaux incontournables. Ceux-ci retiennent toutefois l'attention tellement ils abondent, venus de la Flandre surtout, terre si riche en génies multiformes de la scène.

D'abord, Anne Teresa De Keersmaeker, figure de proue de la nouvelle danse belge, remonte sur les planches de l'Usine C à la fin janvier avec Fase, Four movements to the music of Steve Reich, chorégraphie qui l'a révélée en 1982 juste avant qu'elle ne fonde sa réputée compagnie Rosas.

Wim Vandekeybus, directeur artistique d'Ultima Vez, se laisse lui aussi tenter par un retour — ici plus de l'ordre de l'apparition — sur les planches dans Spiegel (Miroir), «magistral de puissance et de vitalité», promet le quotidien belge Le Soir. Danse Danse invite sa compagnie fétiche pour la troisième fois, à l'occasion de ses dix ans, du 24 au 26 avril au Théâtre Maisonneuve.

Flamand lui aussi, Jan Fabre, plasticien, chorégraphe, auteur réputé pour ses oeuvres hyper esthétisées et un brin provocantes, atterrit enfin à Montréal. L'Usine C le convoque du 26 février au 1er mars avec L'Ange de la mort, une pièce au confluent de ses pratiques artistiques multiples: à la fois danse macabre, monologue pour un homme et une femme, et oeuvre multimédia.

Hors de Flandres, point de salut? Nenni. Autre invité de marque jamais venu à Montréal encore, le Ballet de Lorraine s'amène à la Cinquième Salle de la Place des Arts fin avril avec La Nuit des interprètes, petite anthologie de la danse, qui réunit des extraits d'oeuvres de Françoise Sullivan, Jean-Pierre Perreault, Paul-André Fortier, Meredith Monk, Russell Maliphant et Mathilde Monnier.

Après des années à réjouir le public avec le jubilatoire Minus One, les GBC auront enfin leur propre création du chorégraphe israélien Ohad Naharin, à voir du 3 au 13 avril au Théâtre Maisonneuve. Autre grand chorégraphe bien-aimé du public montréalais, l'Espagnol Nacho Duato revient proposer un programme triple d'oeuvres récentes et fortes en contrastes de sa Compania Nacional de Danza. À l'invitation de Danse Danse, du 6 au 8 mars à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Celles qui font languir

Artistes canadiens et québécois ne sont pas en reste. Dès cette semaine, Hélène Blackburn de la compagnie Cas public, qui conquiert le jeune public depuis quelques années, retrouve son public adulte sur le grand plateau du Centre Pierre-Péladeau avec Suites cruelles.

Deux créatrices ont su nous faire languir. La Torontoise Peggy Baker, qui avait dû annuler son spectacle la saison dernière à cause d'une blessure, revient à la charge (du 20 au 23 février à la Cinquième Salle de la Place des Arts) avec son plus récent solo Portal ainsi qu'un pas de deux inédit de James Kudelka qu'elle interprète avec Larry Hahn. Autre spectacle reporté, Faune de la soliste rompue au butô Jocelyne Montpetit s'inspire des écrits de Nijinski et prend l'affiche de l'Agora de la danse à la fin du mois de janvier.

La grande soliste Margie Gillis se commet enfin: elle s'aventure pour la première fois à Montréal dans la création de groupe. Dans M.Body.7, elle convoque huit amies danseuses dont Anik Bissonnette, Gioconda Barbutto et Laurence Lemieux au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts le 9 février. Elle clôt le volet danse du Festival Montréal en lumière qui s'ouvrira le 20 février avec la troupe flamenco européenne d'Eva Yerbabuena.

En écho à l'automne dominé par la masculinité dansante, le projet Quarantaine explore la mitan de la vie chez quatre hommes qui dansent: Benoît Lachambre, Marc Béland, Ken Roy et Marc Daigle partageront l'espace de la SAT (Société des arts technologiques) avec des musiciens live du 18 au 22 mars. La compositrice Charmaine Leblanc réédite l'expérience qu'elle avait menée avec des femmes en 2004, chez Danse-Cité.

Fraîchement installée dans son magnifique nouveau lieu, l'infatigable Marie Chouinard offrira une nouvelle création à la toute fin de la saison du 1er au 3 juin à la Place des Arts. La seconde édition du nouveau Festival TransAmériques tirera alors à sa fin et nous aura probablement servi plusieurs autres propositions chorégraphiques de choix.

Il y aurait tant d'autres productions d'envergure plus modestes à brandir pour leur audace ou leur caractère prometteur: de L'Ubiquiste, dernier-né des projets d'improvisation de Andrew de Lotbinière Harwood et Marc Boivin (5-8 mars à l'Agora de la danse) à la nouvelle envolée créative de Manon Oligny, L'Écurie (16-26 avril à la SAT), en passant par À corps défendant de Jean-Martin Bernier, qui juxtapose le texte et la parole (dès le 24 janvier au Monument-National), et Redd, conclusion de la carrière solo du Canadien Tedd Robinson (23-26 avril à l'Agora).

Mais, laissons plutôt l'effervescence de la saison s'exprimer sur scène.

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