Cinéma - Maccarthysme et cinéma: le tabou tombe à Hollywood
Au plus fort de la guerre froide, l'anticommunisme américain, dont la figure de proue est le sénateur Joseph McCarthy, s'attaque à Hollywood. Le cartel des studios fait lui-même le ménage en dressant une liste noire des artistes indésirables. Certains choisissent l'exil: Joseph Losey, Jules Dassin, John Berry, Charlie Chaplin. Pendant ces années de guerre froide, rares sont les films qui s'autorisent une allusion à cette chasse aux sorcières. C'est en France, en 1957, qu'est réalisée l'adaptation, par Raymond Rouleau, des Sorcières de Salem, la pièce de théâtre d'Arthur Miller qui évoque le maccarthysme à travers la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle (en 1996, Hollywood reprend la pièce, portée à l'écran pour la Fox par Nicholas Hytner).
Certains historiens considèrent que Le train sifflera trois fois, western de Fred Zinnemann (1952), stigmatise de façon allégorique le climat de terreur qui s'était emparé de Hollywood. Abandonné par tous ses amis et par les habitants de la bourgade qu'il doit protéger des gangsters, un shérif, victime de la lâcheté ambiante, se retrouve seul. Carl Foreman, le scénariste, devait peu après être inscrit sur la liste noire. Chaplin réalise en 1957 Un roi à New York, qui tourne en dérision la frayeur anticommuniste. Le film ne sera projeté aux États-Unis qu'en 1973.C'est à cette époque que le maccarthysme devient un sujet à part entière. Dans Nos plus belles années (1973), Sydney Pollack retrace les luttes d'une jeune juive (Barbra Streisand): présentatrice de radio dans les années 1930, épouse d'un scénariste hollywoodien dans les années 1940, elle défend les persécutés de la chasse aux sorcières dans les années 1950, tandis que son mari (Robert Redford) épouse le discours politique dominant. Au montage, Pollack doit ôter une scène où l'héroïne comparaît devant la Commission sur les activités antiaméricaines et refuse de livrer des noms. À la fresque mélodramatique, Martin Ritt préfère la comédie. Dans Le Prête-nom (1976), il confie à Woody Allen le rôle d'un caissier de restaurant auquel un copain, scénariste figurant sur la liste noire, demande de signer ses travaux moyennant un pourcentage, jusqu'au jour où il est convoqué à son tour devant la commission.
La télévision ose à son tour aborder cette sombre période, en particulier dans Fear on Trial, qui retrace le licenciement de John Henry Faulk, un présentateur très populaire au début des années 1950 qui vit sa carrière anéantie par sa comparution (1976) devant la commission. Et dans Tail Gunner Joe, qui vise le passé trouble d'un sénateur joué par Peter Boyle et en qui tout le monde reconnaît McCarthy (1977).
En 1988, Peter Yates (Bullitt) tourne Une femme en péril, dont l'héroïne a perdu son emploi après avoir refusé de témoigner devant la commission sur les activités antiaméricaines. En 1991, le producteur Irving Winkler reprend un projet de Bertrand Tavernier qui évoquait le sort des blacklistés émigrés en Europe. Winkler préfère situer le film aux États-Unis, et réalise lui même La Liste noire (1991), histoire d'un scénariste (Robert De Niro) inquiété pour avoir fréquenté jadis des gens de gauche, convoqué devant la commission, et qui, pris dans l'engrenage du boycott de ses projets, se lance dans un combat pour la liberté d'expression. Le rôle de l'un de ses amis, un réalisateur communiste qui lui demande de terminer un film à sa place, car il doit fuir en Angleterre, est tenu par Martin Scorsese.
George Clooney est le premier à sous-tendre son plaidoyer d'un discours contemporain. À travers l'évocation du combat du journaliste de CBS Edward R. Murrow, Good Night, and Good Luck s'interroge sur les similitudes existant entre la politique de McCarthy et celle de George W. Bush.