Lumineux conte de Noël

Rarement film aura-t-il reposé sur une trame aussi porteuse d'une foi en l'humanité et d'un idéal pacifiste que cet émouvant Joyeux Noël. De quoi redonner l'espoir aux plus cyniques. Le cinéma français, qui connaît bien des ratés au Québec depuis quelques années, devrait voir sa cote remonter en flèche pour ce film-là.

Christian Carion, à qui on devait déjà Une hirondelle a fait le printemps, est porté par la grâce de son propos. Cette histoire de soldats ennemis qui décident de s'offrir une trêve de Noël sur le front de la guerre de 14 constitue en soi un sujet merveilleux. D'autant plus qu'à la base se trouve une aventure vécue.

Au début du film, la caméra du cinéaste survole la zone des combats avec un vrai souffle épique et même si, par la suite, le film se révèle dans sa forme assez académique, le lumineux conte de Noël qui compose sa trame l'entraîne au-delà de sa facture. Ne boudons pas notre plaisir. Le film est bien fait et joué avec professionnalisme.

Nous voici donc au coeur des tranchées jonchées de cadavres. Grâce aux chants d'un ténor allemand (Daniel Brühl) qui a entraîné sa compagne soprano (Diane Krüger) au front, une onde de fraternisation se propage lors de la nuit de Noël. Un cessez-le-feu est déclaré entre soldats français, écossais et allemands, qui festoient, s'offrent un concert et une messe de Noël, puis un répit pour enterrer leurs morts.

Et voilà. C'est merveilleusement émouvant de voir chacun franchir les lignes pour vider une bouteille de champagne, déguster du chocolat, se montrer des photos de famille sur ce champ de bataille. La scène où les cornemuses répondent au chant du ténor allemand est particulièrement poignante.

Christian Carion a pris soin de laisser sa langue à chaque protagoniste, refusant l'absurde convention de l'anglais à tout prix, les sous-titres s'occupant de faciliter la compréhension universelle. Le cinéaste français a réussi à créer également une vraie galerie de personnages qui, quoique nombreux, sont dotés de psychologie et d'une histoire familiale non évacuées. Autant le pasteur anglican (incarné par Gary Lewis), appelé à célébrer la messe la plus importante de sa vie, que le pauvre garçon coiffeur (Dany Boon), qui va clandestinement rejoindre sa mère dans une ville occupée près du front, constituent des êtres avec un bagage, une entité propres. Chaque destin a droit de cité sans se noyer dans le corps de son armée.

Daniel Brühl, dans la peau du lieutenant allemand d'abord très dur, voit son personnage s'humaniser en communiant au désir de paix de ses hommes. Quant à Guillaume Canet, en lieutenant français qui n'ose confier ses angoisses familiales puis s'ouvre au dialogue, il personnifie cette aventure collective appelée à modifier la vision du monde des soldats.

Joyeux Noël est une oeuvre de résonance et d'espoir qui invite au dépassement, à la solidarité dans l'épreuve et qui fait chaud au coeur. Ironiquement, cet épisode de la Grande Guerre — qui ne fut d'ailleurs pas un cas isolé — est encore tabou dans l'armée française, où ces actes de fraternisation furent considérés comme une rébellion, voire un crime de guerre. Le film démontre aussi à quel point, dans la dure réalité du front, les soldat d'en face semblaient plus proches et plus respectables que les planqués du même camp au coin du feu. Joyeux Noël, du même souffle, met en question la folie de la guerre, de toutes les guerres.

Le Devoir

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