Tournage au Québec - Les films étrangers se font toujours attendre

Les travailleurs québécois du cinéma ne peuvent pas toujours compter sur le tournage de films étrangers pour gagner leur croûte.
Photo: Jacques Grenier Les travailleurs québécois du cinéma ne peuvent pas toujours compter sur le tournage de films étrangers pour gagner leur croûte.

Les tournages de films étrangers se font plus rares qu'on ne l'espérait, cette année, au Québec. Et la mise en place du tout nouveau Bureau du cinéma et de la télévision du Québec n'est pas encore assez avancée pour pouvoir y changer quoi que ce soit.

On pensait bien, au début de l'année, que l'on réussirait à se refaire après les résultats désastreux de 2004. Le tournage, en levée de rideau, de deux grosses productions américaines, The Fountain et Lucky Number Slevin, semblait annoncer le retour au Québec des productions étrangères un an après la chute dramatique de leurs retombées économiques du niveau record de 382 millions, en 2003, à seulement 160 millions, l'année suivante, du fait de l'appréciation du dollar canadien et de la vive concurrence livrée par les autres provinces et les États américains.

«Le nombre total est, jusqu'à présent, malheureusement resté à deux, dit Daniel Bissonnette, commissaire au Bureau du cinéma et de la télévision de Montréal. Il se peut que l'on arrive à confirmer la venue d'un troisième film, d'ici une semaine ou deux. Mais il faut typiquement quatre ou cinq grosses productions pour pouvoir parler d'une bonne année.»

Montréal a bien attiré cinq ou six autres productions, dit-il, mais il ne s'agit que de téléfilms ou de téléséries dont les budgets ne sont, généralement, que de cinq à 15 millions contre au moins 40 millions pour n'importe quelle grande production qui se respecte. Les productions étrangères représentent typiquement un peu plus du quart des revenus annuels de l'industrie québécoise du cinéma.

C'est aussi habituellement le cas dans la région de Québec. «On ne peut pas dire que l'on a, aujourd'hui, un carnet de commandes bien garni en matière de productions étrangères», rapporte toutefois à son tour Lorraine Boily, qui préside, depuis le début de l'année, à la remise sur pied d'un Commissariat du cinéma et de la télévision de Québec après une interruption de service de huit mois.

Échaudés l'année dernière, certains travailleurs québécois du cinéma ont fait ce qu'il faut pour ne pas risquer de se retrouver le bec à l'eau cet été, dit Daniel Bissonnette. Ils sont allés chercher du travail à Toronto ou dans les provinces atlantiques.

Plus que des crédits d'impôt

La décision, au mois de décembre, du gouvernement du Québec de porter de 11 % à 20 % ses crédits d'impôt aux productions cinématographiques étrangères, en réplique à la décision de l'Ontario d'augmenter les siens de 11 % à 18 %, donne un bon coup de main, commente Lorraine Boily . «Il est certain que cela aura de l'impact.»

«C'est une condition nécessaire, mais ce n'est pas suffisant, précise Daniel Bissonnette. Cela ne permet que de nous mettre à égalité avec les autres.»

Pour arriver à se battre contre la «formidable force de frappe marketing» dont disposent Vancouver ou Toronto, l'ensemble des acteurs de l'industrie québécoise du cinéma ont convenu, en novembre, de se donner un organisme commun d'accueil et de promotion auprès des producteurs étrangers.

Le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec a officiellement vu le jour au mois de juin. Il devrait compter neuf employés, dont un représentant à Los Angeles. Il cherchera aussi à mettre sur pied un fonds d'investissement public privé qui pourrait compléter le financement de productions locales ou de films indépendants étrangers dont la réalisation au Québec ne dépendrait que de l'ajout de un ou deux millions.

Mais ce nouveau Bureau du cinéma ne pourra réellement se mettre en branle que lorsque son financement sera complété, explique Daniel Bissonnette, qui est l'un des 11 membres du conseil d'administration. Les montants promis par les différents ordres de gouvernement sont presque tous au rendez-vous. Ne reste plus qu'à deux ministères québécois, celui de la Culture et des Communications, et celui des Affaires municipales et des Régions, de s'entendre sur la façon dont ils se partageront une contribution prévue de 400 000 $ pour que soit réunie la somme de 1,8 million requise.

L'envoi d'un ambassadeur permanent de l'industrie dans la capitale américaine du cinéma sera sans l'une des priorités. Jusqu'à présent, les différents bureaux du cinéma québécois organisaient de temps à autres des tournées promotionnelles auprès des grandes maisons de production étrangères. «Il y a déjà eu des tentatives, mais ce serait vraiment la première fois que l'on aurait à Los Angeles un représentant en permanence, note Daniel Bissonnette. C'est très important parce que nos concurrents y sont déjà.»

«On a besoin d'être présent tout le temps sur les marchés étrangers afin d'être capable de faire valoir rapidement toutes les possibilités qu'offre le Québec lorsqu'un projet survient», confirme Lorraine Boily.

Tournée des commanditaires

Quant au fonds d'investissement, la tournée des commanditaires potentiels s'est terminée la semaine dernière. On saura à la fin de l'été si l'on a su intéresser suffisamment d'investisseurs privés pour pouvoir compter sur une somme de départ minimale de 50 millions. Il a été convenu dès le départ que ce montant devra être constitué à 60 % de fonds privés et 40 % de fonds publics.

«Avant, on pouvait se contenter de quelques avantages pour attirer les productions étrangères, explique Daniel Bissonnette. Aujourd'hui, on vit à une autre époque. La concurrence est beaucoup plus forte et il faut savoir réunir un ensemble de facteurs beaucoup plus complexes.»

Il n'y a cependant «pas de raison que le Québec manque le bateau, pense sa collègue de Québec, Lorraine Boily, parce que l'on a trop de choses à offrir ici.»

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