«The Wrath of Becky»: refroidir des néo-nazis, une tête explosée à la fois

Lulu Wilson reprend avec un plaisir évident, et contagieux, son rôle de Rebecca «Becky» Hooper.
Photo: Quiver Distribution Lulu Wilson reprend avec un plaisir évident, et contagieux, son rôle de Rebecca «Becky» Hooper.

Il y a trois ans de cela, Becky, alors âgée de 13 ans, vint à elle seule à bout d’un groupe de prisonniers néonazis en cavale venus terroriser son père et sa belle-mère lors d’un week-end à la campagne. Les assaillants furent réduits en compote par l’adolescente — parfois littéralement. Trois ans plus tard, alors qu’elle s’est refait une vie anonyme auprès d’une vieille dame aussi misanthrope qu’elle, Becky voit surgir une nouvelle cohorte de méchants messieurs qui, mal leur en prend, ignorent à qui ils ont affaire. Dans The Wrath of Becky, Lulu Wilson reprend avec un plaisir évident, et contagieux, son rôle de Némésis moderne.

Car, à l’instar de la déesse grecque de la vengeance divine, Becky abat son courroux sur des ennemis trahis autant par leur imprudence que par leur impudence.

Ces derniers, comme ceux qui sont venus avant eux, appartiennent à un groupe fasciste nommé les Noble Men (une version à peine déguisée des tristement réels Proud Boys). Trois d’entre eux, en route vers la propriété isolée du chef de leur cellule, s’arrêtent dans le casse-croûte où Becky est serveuse…

Ils sont misogynes, racistes, homophobes et très, très arrogants. Le film établit ainsi, illico, que le sort qui attend ces gars-là, si horrible soit-il, aura été mérité. La suite est sans doute moralement discutable, mais jouissive néanmoins (et pour public averti).

D’autant plus que les trois lascars auront la mauvaise idée de kidnapper le chien adoré de Becky, qui ne reculera devant rien pour le récupérer. Au passage, elle découvrira les vils desseins du leader de la bande (Seann William Scott), qui fomente une action concertée faisant écho à l’insurrection du Capitole. Évidemment, les Noble Men ne peuvent concevoir qu’une fille ait le dessus sur eux.

À ce propos, alors qu’on parle partout de la série The Idol, de Sam Levinson et Abel Tesfaye, avec sa protagoniste qui se soumet au bon vouloir sexuel d’un gourou patenté, The Wrath of Becky, avec la sienne qui broie du fier macho, constitue une intéressante contre-proposition. Fiction pour fiction, bien entendu.

Quoi qu’il en soit, de par son choix d’antagonistes et les motivations et défauts qui leur sont impartis, The Wrath of Becky ne donne pas dans le sous-texte sociopolitique, mais dans le surtexte.

Joyeusement outrancier

C’est en l’occurrence assumé : le film ne se veut pas le moins du monde subtil. Au contraire, The Wrath of Becky, plus encore que son prédécesseur, joue à fond la carte de l’humour noir tout en privilégiant une logique et une esthétique de bande dessinée.

Tout y est volontairement amplifié, voire outré, comme les mises à mort orchestrées avec des trésors de débrouillardise et d’imagination par une Becky qui a pris du galon depuis ses premières frasques vengeresses. Chausse-trapes, machette, pièges à ours, grenade dans la bouche pour tête qui explose : voilà une jeune fille qui ne craint pas de se salir.

À la réalisation, fort ingénieuse au demeurant, Matt Angel et Suzanne Coote, qui scénarisent également, disent s’être inspirés de la saga Kill Bill et de Kick-Ass : ces influences sont tangibles, mais dans un contexte plus fauché, plus trash.

Le récit, surtout prétexte à l’enchaînement des châtiments gore ourdis par l’héroïne, aurait pour le compte gagné à être développé davantage — le film dure à peine une heure vingt, ce n’est pas pour rien. En revanche, une ingénieuse révélation survient à l’approche du dénouement.

En ramenant cette curieuse clé de laquelle les brigands du film original tentaient de s’emparer, The Wrath of Becky met en outre la table pour un troisième film. Au vu des résultats jusqu’ici, on s’en réjouit.

The Wrath of Becky (V.O.)

★★★ 1/2

Comédie d’horreur de Matt Angel et Suzanne Coote. Avec Lulu Wilson, Denise Burse, Seann William Scott, Aaron Dalla Villa, Jill Larson. États-Unis, 2023, 82 minutes. En salle.

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