La psyché des femmes à l’honneur

Julianne Moore, Charles Melton et Natalie Portman, vedettes du film «May December» de Todd Haynes, à Cannes
Christophe Simon Agence France-Presse Julianne Moore, Charles Melton et Natalie Portman, vedettes du film «May December» de Todd Haynes, à Cannes

On regarde les films de la course. Ils valent souvent le détour. Et signe des temps, bien des héroïnes y tiennent la vedette. Sur un continent ou l’autre, la psyché féminine captive. L’Américain Todd Haynes, familier des cieux cannois, est depuis longtemps un grand directeur d’actrices. Il retrouve dans May December Julianne Moore, déjà mise en scène dans Safe et Loin du Paradis. Et lui offre pour covedette Natalie Portman, ce qui n’est pas mal non plus. Voici donc le cinéaste de retour en compétition avec une œuvre intimiste tournée en 23 jours qui explore des drames du passé pour parvenir à l’affronter en une sorte de catharsis.

L’histoire est celle d’une mère de famille enseignante (Julianne Moore) à 36 ans devenue l’amante d’un adolescent de treize ans, ami de son fils. Leur liaison interdite aura fait la une des journaux, brisé sa famille et valu à la dame un séjour en prison. Des décennies plus tard, toujours en couple avec ce garçon devenu père de ses nouveaux enfants, rejetée par la société, elle accepte de voir cette période de sa vie recrée à l’écran. L’actrice (Natalie Portman) mène d’abord son enquête, s’insinue auprès de tous, séduit secrètement le mari (vrai Apollon joué par Charles Melton), tente de discerner les mensonges des vérités.

En un jeu de miroirs, les deux femmes se toisent, se mentent en tâtonnant dans le noir. Le film, subtil et réussi, épouse un vrai vertige, traitant un sujet nourri aux controverses contemporaines sur les dérives morales et leurs ressorts cachés.

 

Au final, c’est la nature même du jeu d’acteur — d’actrice en l’occurrence — en ses zones d’intuition qui s’impose comme le vrai sujet du film quand les masques tombent. À l’ombre du Persona de Bergman, ce duel entre deux grandes actrices relève de la partie de tennis, du jeu du chat et de la souris, du rapport d’aidante face à une femme fragile cachée sous une façade qui lentement se fissure. Brillant exercice !

Le poids des traditions

 

La présence cette année de plusieurs réalisatrices en compétition débouche par ailleurs sur une ouverture vers des pays souvent très absents de cette enceinte. Tel le premier long métrage de la Sénégalaise Ramata-Toulaye Sy Banel&Adama. Le film puise sa source aux codes du cinéma d’Afrique subsaharienne à l’ombre du maître burkinabé Idrissa Ouedraogo. Son scénario revisite les thèmes de la modernité en butte aux traditions, avec un point de vue féminin cette fois.

Car l’héroïne, folle d’amour pour son mari, veut s’affranchir des vieilles coutumes et vivre avec lui librement. Mais quand la sécheresse décime les troupeaux, son Roméo devra suivre la voie ancestrale tracée pour lui. Ces frictions intimes et culturelles se voient servies par des images de grande beauté. La théâtralité du jeu des interprètes épouse les traditions des griots si vivaces dans le 7e art d’Afrique, mais où l’émotion peine à jaillir. Hélas ! Jusqu’à maintenant, le cinéma des femmes dans la course n’a pas suscité le grand frisson qui nous fait tressaillir. On attend le vrai coup de cœur. Demain, peut-être…

Odile Tremblay est l’invitée du Festival de Cannes.

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