Clameurs et pleurs sur La Croisette

L’acteur Harrison Ford a reçu jeudi une Palme d’or d’honneur pour couronner sa carrière. On l’aperçoit ici au côté de la présidente du Festival de Cannes, Iris Knobloch.
Valery Hache Agence France-Presse L’acteur Harrison Ford a reçu jeudi une Palme d’or d’honneur pour couronner sa carrière. On l’aperçoit ici au côté de la présidente du Festival de Cannes, Iris Knobloch.

Du côté « c’est la frénésie sur La Croisette », l’acteur américain Harrison Ford recevait tout un comité d’accueil jeudi devant son chic Hôtel Carlton, la star étant honorée pour sa carrière. Horde de fans en folie, clameur répercutant son nom jusqu’au Palais des festivals.

La vedette vient accompagner hors concurrence l’avant-première très attendue d’Indiana Jones and the Dial of Destiny, réalisé par James Mangold, après les quatre premiers volets de la saga signés Spielberg. Ce sera le dernier tour de piste de l’octogénaire en aventurier-archéologue risque-tout, déjà ici en 2008 pour un épisode précédent.

L’émoi est grand et le tumulte, assourdissant. La star a reçu ici une Palme d’or d’honneur. Quand Ford a foulé le tapis rouge, il fallait éviter les abords de La Croisette sous l’assaut des badauds affluant pour zyeuter l’idole. Je ne pourrai voir le film que demain, tant la projection officielle était courue, bondée, scellée. À suivre.

Sinon, on voit des films en compétition. D’abord, une oeuvre du Français Jean-Stéphane Sauvaire, primé en 2008 à la section « Un certain regard » pour son Johnny Mad Dog. Black Flies lui vaut cette année ses débuts dans la course à la palme. Il s’agit d’un film indépendant, tourné dans la frénésie de New York, en 28 jours, au coeur d’un univers violent et impitoyable surgissant des rues et des appartements sordides de Manhattan.

Le film recrée le quotidien d’un apprenti ambulancier, joué par Ty Sheridan aux côtés de nul autre que Sean Penn, formidable en urgentiste tout-terrain. L’horreur des tréfonds de la Grosse Pomme lui sert d’adrénaline pour chasser son mal de vivre. Ce rôle était fait pour sa tronche de truand humaniste qui a trop cavalé.

L’esthétique du film en plans serrés, la caméra mobile épousent le parcours nocturne des rues, des hôpitaux et des taudis de Manhattan, où le pire arrive en coups et blessures, détresses et affrontements.

Rien à voir avec le côté factice des productions d’action hollywoodiennes. Chaque séquence ou presque place le spectateur à proximité du pire, sous les insultes des gangs rivaux, des narcomanes, des sans-abri, des suicidaires de toutes ascendances dans la cacophonie new-yorkaise. Et si quelques violons sentimentaux, surtout au dénouement, cassent parfois le rythme mobile et affolant, on reste sonné par la charge apocalyptique de cet enfer urbain en explosion devant nos yeux.

Quant au documentaire Jeunesse (le printemps), du Chinois Wang Bing, il accueille en concurrence cannoise un maître du genre dont Le fossé avait été présenté à Venise en 2010. D’ores et déjà, la longueur du film — 3 h 22 — peut faire trembler. Ce n’est pourtant que le premier volet d’une trilogie sur le fleuve Yangtsé. Vaste ambition.

Je n’ai pu voir qu’une partie de cet ovni en raison de conflits d’horaire. Mais le film fascine autant qu’il saoule. Place à une termitière humaine, une de ces usines de textile munies de dortoirs où s’entassent de jeunes gens payés à la pièce. On les voit travailler comme des bêtes sur leurs machines à coudre dans un minuscule espace, assembler des bonnets de pères Noël et autres colifichets à destination occidentale.

Mais ils vivent aussi, rigolent, flirtent, font des enfants à avorter ou pas. Leur jeunesse fleurit dans ces conditions impossibles. Certains ouvriers prennent la vedette. Ils se cherchent, se posent. Les garçons se chamaillent ; les filles se pomponnent. La caméra les suit pour une immersion affolante à travers les rouages d’une mondialisation aveugle dans ces bâtiments à perte de vue, au bord de l’inquiétant Yangtsé.

Ce n’est pas tous les jours la fête sur les écrans de Cannes, comme vous voyez…

Odile Tremblay est l’invitée du Festival de Cannes.

À voir en vidéo