«Donjons et dragons. L’honneur des voleurs»: plaisir, rires et délires

Constaté lors de l’avant-première de Donjons et dragons. L’honneur des voleurs (V.F. de Dongeons Dragons: Honor Among Thieves), écrit et réalisé par Jonathan Goldstein et John Francis Daley : cette adaptation amusante et amusée du premier jeu de rôles sur table marche avec aisance sur le fil (de l’épée) qui aurait pu couper les fans de ceux qui n’ont jamais attrapé cette fièvre fantastico-médiévale apparue dans les années 1970. Une surprise de taille, donc, après trois films plutôt ratés datés du tournant du millénaire.
Bref, si l’on se fie aux rires et aux applaudissements qui ont ponctué la projection, le long métrage (auquel le scénariste Michael Gilio a aussi mis la main à la pâte) séduit les uns comme les autres. Même si on sent bien, par leurs réactions, que les maîtres ès D & D ont une longueur d’avance sur les nouveaux venus dans cet univers. Mais sans que ces derniers soient laissés pour compte. Parce que menée tambour battant, la quête ici racontée emprunte un schéma classique qui ne dépayse personne (bon point), mais, du coup, ne surprend pas (moins bon point). Et puis, bonheur pour tous, elle est soutenue par une distribution de choc qui a un plaisir contagieux à s’exécuter et, même, à jouer avec l’image qui, filmographie oblige, colle à la peau des unes comme des autres.
Ainsi, Regé-Jean Page, révélé et magnifié par Les chroniques de Bridgerton, devient un Paladin alliant à la perfection (!) la puissance et l’élégance. Quant à Michelle Rodriguez, dure à cuire qui carbure à l’esprit de famille dans la franchise Fast Furious, elle s’amuse dans la peau et le regard buté d’une barbare rustre, mais au cœur d’or. Hugh Grant enfile quant à lui les gants désormais familiers du méchant avide de pouvoir, manipulateur mielleux qu’on voit venir de loin (même sur le tapis des Oscar).
Se venger n’est pas jouer
Enfin, le dernier qui est (bien sûr) le premier, Chris Pine. Rebelle et charmeur Capitaine James T. Kirk dans les reboots de Star Trek, amour tragique de Diana Prince dans les Wonder Woman, il tresse ces cordes-là pour créer un voleur-barde-veuf-père-prisonnier en cavale trahi par un complice sur lequel il veut mettre la main pour des raisons (un peu) plus nobles que la seule vengeance.
Il forme donc une équipe de choc (à la manière de Mission : Impossible) prête au combat (comme les Avengers) dans un monde médiéval de fantasy (façon Terre du Milieu) riche en magie autant chez les créatures qui le peuplent que dans les objets qui y sont dissimulés. Il se lance ensuite dans le vide (au figuré comme au propre) et, avec ses plus ou moins joyeux compagnons, affronte les obstacles. La logique voudrait qu’ils soient démolis en moins de deux. Mais ils surmontent tout et tous. Parce qu’ils ont du cœur… pas qu’au ventre.
Et c’est ce cœur qui fait que le film n’est pas l’orgie habituelle d’effets spéciaux (ils sont ici particulièrement réussis), de démolition en règle et d’humour boboche — même s’il y a de tout cela. Ce cœur qui fait le charme et la sincérité d’un long métrage qui sort le jeu de la boîte et des livres pour le déployer à une échelle gigantesque. Tout en n’y perdant pas son âme.
Les relations entre les personnages, par exemple, racontent l’importance, la force et la beauté de ces familles qui ne sont pas celles du sang, mais que l’on se choisit. Il y a là une chaleur et une bonhomie, mais aussi une profondeur (non surlignée) qu’il fait bon sentir dans ce contexte dont la surface est une planche de jeu monumentale où tout peut se jouer en un coup de dés.