«Maestro(s)»: tempo moderato

Yvan Attal dans le film Maestro(s)
Photo: Julien Panié - Vendôme Films - Orange Studio - Apollo Films Yvan Attal dans le film Maestro(s)

Avec Maestro(s), le réalisateur Bruno Chiche, qui se dit passionné de musique classique, met en scène deux chefs d’orchestre, François Dumar et son fils Denis. Que va devenir leur relation, déjà fort tendue, après un quiproquo qui promet au premier un poste prestigieux destiné au second ?

Alors que certains affichent leur dédain devant un art supposé « élitiste » auquel d’autres prédisent, comme depuis trente ans, la mort, la musique classique et son univers n’ont jamais autant fasciné le cinéma et les scénaristes.

Après La chef d’orchestre de Maria Peters, Ténor de Claude Zidi Jr. et le vitriolé Tár de Todd Field, en course pour plusieurs Oscar et de très loin le meilleur du lot, voici Maestro(s). Ce film en précède trois autres prévus cette année : Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar, sur l’histoire d’une musicienne algérienne ; Ethel, biopic sur Ethel Stark ; et Les jours heureux de Chloé Robichaud avec Sophie Desmarais (et Yannick Nézet-Séguin comme conseiller musical), sans parler de celui sur  Sergiu Celibidache, actuellement en tournage avec Rupert Friend et John Malkovich.

Ce qui est assez spécial avec Maestro(s), c’est la candeur généralisée de cette production léchée et élégante. C’est en fin de compte une sorte de crème caramel de la « vertébration cinématographique », syndrome symbolisé par une affiche dévoilant carrément le punch de la scène finale, en permettant certes de mettre sur un pied d’égalité les deux vedettes, Pierre Arditi et Yvan Attal. Ce dernier trimbale si indifféremment une tronche de misanthrope effleuré par des doutes sur la pénibilité de la gestion des interactions humaines qu’on a du mal à penser qu’il puisse être pénétré par l’art.

Le résumé dévoile le punch qui survient au tiers du film : un poste à la Scala de Milan est annoncé au père, mais la secrétaire s’est trompée, et c’est le fils qui a le poste. Ce genre de bourde (certes, pas pour un tel poste) est moins rare qu’on le croit.

Un modèle

On l’a compris, le sujet véritable est centré sur la relation père-fils de deux êtres exerçant le même métier avec succès. Mais ce traitement, aussi, ne dépasse pas le cadre de l’agréable comédie télévisée de fin de semaine. Et c’est facile de le voir et de le prouver. Car Maestro(s) est adapté du film israélien Footnote de Joseph Cedar, prix du scénario au Festival de Cannes 2011.

Maestro(s), qui dilapide son temps dans les affaires de cœur de Denis Demar avec une violoniste sourde, est à côté du traitement de la problématique relationnelle dans Footnote, du « flan mou » d’une rare superficialité. On comprend que François est un maestro à l’ancienne, assez cassant, et Denis un musicien plus consensuel, mais cette opposition n’est pas ouverte ou creusée : tout repose sur une simple jalousie du père, dépassé par son fils et qui va mettre 87 minutes à passer la main. Alors que dans Footnote, le père, érudit du Talmud, est un chercheur perfectionniste reclus quasi mystique qui pense que son fils dévoie la discipline. Mais que va-t-il faire quand il découvrira que son fils s’est sacrifié pour lui ?

Une scène symbolise la profondeur de Footnote et la banalité de Maestro(s). Déterminé à ne pas accepter un prix prestigieux à la place de son père, Uriel Scholnik (Footnote) est sommé par le président du jury de rédiger les motifs ayant présidé à l’attribution du prix. Le voir choisir et changer des mots dit tant sur ce qu’il pensait savoir et réalise finalement sur son père. Dans Maestro(s), Denis Delmar, incapable d’avoir le cran de parler à François, lui écrit une lettre dont on ne verra jamais la moindre ligne.

Ce qui est réussi dans Maestro(s), c’est l’élégance du cadre, la pertinence de la distribution (excellentes Miou-Miou en dépositaire du secret et Pascale Arbillot en ex-femme et agente). Une cohorte de conseillers musicaux (superbe générique et scène d’entrée avec Pierre Arditi dans son bureau, mais 85 minutes passeront sans le retour de cette grâce) et de cavistes — car maintenant, dans les films français, on ne fume plus, on boit — se sont attroupés pour rendre la chose plus crédible.

Le monde musical est aux anges. Le cinéma s’en remettra.

Maestro(s)

★★ 1/2

Drame de Bruno Chiche. Avec Yvan Attal, Pierre Arditi, Miou-Miou, Caroline Anglade, Pascale Arbillot, Nils Othenin-Girard. France, 2022, 87 minutes. En salle.

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