«Retour à Séoul»: quête des origines, quête de soi

Une scène du film Retour à Séoul
Photo: Métropole Films Une scène du film Retour à Séoul

D’origine sud-coréenne, Frédérique, dite Freddie, a passé l’essentiel de sa vie en France, adoptée qu’elle fut, bébé. Après n’avoir jamais manifesté de réel désir de retrouver ses parents biologiques, voici qu’au hasard d’une rencontre avec une amie d’amis, la jeune femme de 25 ans décide sans crier gare d’aller séjourner dans le pays qui l’a vue naître. Pays dont elle ne parle pas la langue et dont elle ne connaît aucun des us et coutumes. Entre curiosité et animosité, l’attitude de Freddie étonne et fascine à chaque détour. Il en va de même pour le film Retour à Séoul, signé Davy Chou.

Comme le cinéaste nous l’expliquait dans une récente entrevue, l’argument et la plupart des développements de Retour à Séoul lui furent inspirés par les expériences d’une amie à lui. Expérience dont il fut en l’occurrence témoin, et que la principale intéressée lui donna l’autorisation de s’approprier pour les besoins du film.

On tient à le rappeler, car le fait que Davy Chou ait été aux premières loges de ce qu’il dépeint explique à coup sûr son aisance à naviguer en ces eaux psychologiquement complexes. La protagoniste a beau souvent agir de manière inattendue, tour à tour affable puis hostile, grégaire puis solitaire, elle s’impose d’emblée comme authentique et crédible. Freddie est complètement et totalement incarnée, dans toutes ses contradictions.

Il faut dire que Park Ji-min, une artiste visuelle sans réelle expérience de jeu préalable, est d’une vérité absolue dans le rôle de Freddie. Rarement assiste-t-on à une telle adéquation entre interprète et personnage.

Point de clichés

Le film, qui aurait facilement pu s’enliser dans la guimauve compte tenu du sujet, évite au contraire toute forme de sentimentalisme. Non, Freddie n’est pas envahie par la certitude soudaine d’avoir trouvé la pièce manquante du puzzle de son existence. L’incontournable scène des retrouvailles larmoyantes n’est pas davantage au menu. Ces clichés-là, Davy Chou n’y recourt pas.

Pour autant, le détachement apparent de Freddie apparaît vite pour ce qu’il est : un mécanisme de protection. Dès lors, faire fi de cette façade déplaisante semble aller de soi, et l’on suit volontiers Davy Chou par-delà celle-ci.

Les séquences entre Freddie et son père biologique, un homme divorcé et criblé de regrets, se révèlent, à cet égard, aussi difficiles sur le plan émotionnel qu’audacieuses sur le plan de l’écriture. Idem pour cette rencontre entre l’héroïne et sa mère biologique.

En effet, à l’instar de son héroïne, Retour à Séoul ne se soucie guère d’être « gentil » ou de faire « bonne impression ».

Sentiment d’aliénation

Le film est propulsé par des ellipses certes brutales parfois, mais là encore, en phase avec le tempérament plein d’aspérités de Freddie. D’ailleurs, la mise en scène de Davy Chou, tantôt gracieuse, tantôt nerveuse dans son mouvement général, atteste cette volonté de cohésion entre la forme et le fond.

Surtout, Retour à Séoul est de ces films qui évoquent habilement le sentiment d’aliénation que l’on peut ressentir en contrée étrangère, que celle-ci soit accueillante ou non : Alice dans les villes, de Wim Wenders, Happy Together, de Wong Kar-wai, Stars at Noon (Des étoiles à midi), de Claire Denis… Est-ce l’âge de la protagoniste ? Il reste que l’on se surprend, de-ci de-là, à songer à Lost in Translation(Traduction infidèle), de Sofia Coppola, qui épouse un ton et un traitement pourtant aux antipodes.

Pour reprendre la formule consacrée, dans Retour à Séoul, ce qui compte, ce n’est pas la destination, mais le chemin parcouru. Ainsi, ce qui s’avérera le plus important, le plus significatif pour Freddie, ce n’est pas la découverte de ses parents biologiques, mais bien la découverte de qui elle est.

Retour à Séoul

★★★★

Drame de Davy Chou. Avec Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han, Kim Sun-young, Yoann Zimmer. France–Allemagne–Belgique–Qatar, 2022, 119 minutes. En salle.

À voir en vidéo