«Katak, le brave béluga»: très chère mer

Le vilain petit canard du monde aquatique. Le long métrage d’animation québécois Katak, le brave béluga est en quelque sorte la version moderne et locale du fameux conte de Hans Christian Andersen. Surnommé « le p’tit gris », Katak, doublé par Alexandre Bacon (Fabuleuses), est un béluga qui ne blanchit pas en raison d’un retard de croissance et qui, malgré son désir d’aventures, doit toujours rester près des femelles de son clan, dont sa mère poule Marine (Guylaine Tremblay)… Alors que ses camarades et ses voisins les phoques se moquent de son physique et de sa couleur pour la énième fois, celui-ci décide de rejoindre seul et en secret la grande banquise du Nord. C’est en effet là-bas que se trouve son grand-père, qu’il souhaite faire revenir dans le fjord du Saguenay pour dire adieu à sa tendre Mamie, à qui Ginette Reno prête non seulement sa voix, mais aussi sa sagesse.
Au fil du Saint-Laurent, cette odyssée non sans dangers réalisée par le duo d’animateurs Christine Dallaire-Dupont (Avril et le monde truqué) et Nicola Lemay (Félix et le trésor de Morgäa) éblouit tant par la beauté et le détail de ses décors — remarquablement balisés par de sublimes couchers de soleil, nuits étoilées, bancs de brouillard et autres aurores boréales — que par son propos écologique. Katak, le brave béluga est ainsi une étonnante fable environnementale dans laquelle la jeune baleine et ses congénères saguenéens sont tout à fait conscients du risque d’extinction de leur population. Quant au spectateur, peu importe qu’il soit enfant ou adulte, il est subtilement sensibilisé aux diverses réalités de la faune et de la flore sous-marines et aux enjeux climatiques. Il y a par exemple ces quelques morues errantes et solitaires qui craignent de se faire dévorer et de complètement disparaître ; ou encore Estelle, la tante enceinte de Katak, qui perd son bébé après avoir été sérieusement perturbée par le passage d’un navire, que les cétacés de la zone protégée du fleuve appellent les « flottants ». La fonte des glaces de l’Arctique est également un sujet férocement abordé, notamment grâce aux licornes de mer, les narvals, prises au piège par le morcellement de la banquise, et à cet ours polaire désespérément affamé. D’une manière intelligente, accessible et dépourvue de leçons moralisatrices, le film démontre simplement que nos eaux deviennent petit à petit un environnement hostile aux formes de vie, bien souvent à cause de l’activité humaine.
Parce que, comme le dit Mamie, sa progéniture est « un jeune débrouillard courageux qui a besoin de s’affirmer », Katak, le brave béluga se regarde enfin tel un récit initiatique très contemporain : l’attention qu’on accorde aux émotions et aux traumatismes y occupe une place de choix, grâce à la vision toujours bienveillante de ses réalisateurs. Et si Le vilain petit canard enseigne l’acceptation de soi, le film de Christine Dallaire-Dupont et de Nicola Lemay va plus loin en soulignant l’importance de l’empathie, de la diversité et des amitiés improbables.