«Magic Mike's Last Dance»: danses lascives et corps huilés

Il y a un peu plus de dix ans, le cinéaste Steven Soderbergh obtint l’un de ses plus gros succès populaires avec Magic Mike, ou les péripéties d’un danseur nu très, très doué. Librement inspiré de la vie d’un Channing Tatum prévedettariat, le film reçut un accueil enthousiaste du public autant que de la critique (ça arrive). Ce fut en revanche la débandade, si l’on peut dire, avec le second volet, sorti en 2015. Qu’à cela ne tienne, dans Magic Mike’s Last Dance (Magic Mike. Dernière Danse), Tatum renfile, ou plutôt retire, le costume de « Magic Mike Lane » pour une troisième et, si l’on en croit le titre, dernière fois.
Après avoir confié la mise en scène à son assistant Gregory Jacobs dans Magic Mike XXL, Steven Soderbergh est de retour à la réalisation, en plus d’agir, comme de coutume sous pseudonymes, en tant que directeur photo et monteur. Comme toujours chez le cinéaste, on admire ce mélange caractéristique de précision du cadre et de fluidité dans le mouvement d’ensemble.
Le réalisateur de Traffic, Erin Brockovich et Che ne perd en l’occurrence pas de temps pour donner au public ce que celui-ci est venu voir. À savoir, un Channing Tatum (très en forme dans tous les sens du terme) qui se dénude au gré d’une chorégraphie lascive à souhait.
Pourtant, lorsqu’on le rencontre au début du film à Miami, Mike, bientôt 40 ans, a renoncé à la danse. Désormais barman après avoir fait faillite durant la pandémie, il fait la connaissance d’une riche « quasi » divorcée, Max (incarnée avec panache par Salma Hayek). Mise au fait de l’ancienne vie de celui qu’elle a embauché pour remplir les verres lors d’une fête privée, Max commande une danse non pas « à dix », mais à six mille dollars.
S’ensuit pour Max une véritable épiphanie.
Voici donc Mike installé à Londres, avec pour mandat de monter un spectacle de danseurs (semi-)nus dans l’auguste théâtre que Max a obtenu lors de sa séparation.
Une histoire d’amour
Comme souvent chez Soderbergh, les choses s’étirent un peu plus longtemps qu’elles ne le devraient. De fait, la durée de 112 minutes aurait pu être ramenée à 90 minutes sans qu’une parcelle d’histoire soit perdue. Et pour cause : le récit comme tel est relativement mince, quoique joliment développé.
Ainsi la quête rédemptrice de Mike et la soif d’émancipation de Max deviennent-elles intimement liées (là encore, dans tous les sens du terme). En un jeu de miroirs métanarratif, le spectacle devant initialement avoir lieu dans le théâtre en question s’intitule A Bird in a Gilded Cage. Or, découvre-t-on, Max essaie justement de fuir sa cage dorée matrimoniale.
Sans surprise, l’action est émaillée de touches d’humour, comme dans le premier film, et comme souvent chez le cinéaste. Ce qui surprend toutefois, et agréablement, c’est que Soderbergh assume complètement que Magic Mike’s Last Dance est, pour l’essentiel, une histoire d’amour. Lui qui privilégie d’habitude un traitement distancié du sentiment amoureux, soit cérébral, comme dans Sex Lies and Videotapes (Sexe, mensonges et vidéo) et Solaris, soit pince-sans-rire, comme dans Out of Sight (Loin des regards) et Ocean’s Eleven (L’inconnu de Las Vegas), Soderbergh n’a cette fois pas peur de s’aventurer hors de sa zone de confort en embrassant la dimension sentimentale de la proposition.
À cet égard, la chorégraphie finale, où Mike reproduit sur scène les principaux épisodes de sa relation avec Max, est sans contredit la séquence la plus ouvertement romantique de la filmographie du prolifique réalisateur. Et l’un de ses meilleurs coups de montage, d’ailleurs, avec alternance virtuose du passé et du présent. Les cinéphiles apprécieront en outre, dans ce numéro, l’hommage oblique à Singing in the Rain (Chantons sous la pluie).
Au bout du compte cependant, si cet ultime tour de piste du sexypersonnage s’avère concluant, c’est beaucoup grâce à la chimie brûlante que partagent Channing Tatum et Salma Hayek. Lorsqu’ils sont réunis à l’écran, ces deux-là produisent assez d’électricité pour alimenter tout Londres.