«Knock at the Cabin»: Comme une mauvaise blague

En compagnie de Wen, la petite fille qu’ils ont adoptée, Eric et Andrew séjournent dans un chalet sis au coeur de la forêt. La quiétude des vacanciers est mise à mal lorsque débarquent quatre inconnus aussi dépareillés qu’hallucinés, et selon qui les deux hommes seraient les seuls à pouvoir sauver le monde d’une fin imminente. Comment ? En sacrifiant l’un des trois membres de leur famille : dilemme cornélien en perspective. Et les quatre larrons de s’expliquer, et de s’expliquer encore, etencore… Son côté « logorrhal » n’est que l’un des nombreux problèmes de Knock at the Cabin (La cabane isolée), le nouveau film du cinéaste culte M. Night Shyamalan.
Culte, on le précise, pas au sens de « John Carpenter est un cinéaste cultedont on a réévalué l’oeuvre à la hausse au fil des décennies ». Culte au sens où M. Night Shyamalan a des adorateurs prêts à mordre quiconque trouve à redire sur l’un ou l’autre de ses films (foi de critique).
Pourtant, s’il est une évidence lorsqu’on consulte sa filmographie, c’est que le meilleur y côtoie le pire. Ainsi prendra-t-on plaisir à revisiter The Sixth Sense (Le sixième sens), Unbreakable (L’indestructible) ou Signs (Signes), alors qu’on préférera oublier Lady in the Water (La dame de l’eau), The Last Airbender (Le dernier maître de l’air) ou encore The Happening (L’événement) — film avec lequel, hélas, Knock at the Cabin partage maintes similitudes, dont une direction d’acteurs et une manière de livrer le dialogue hyperfigées. Dialogue en l’occurrence lourd, surabondant et surexplicatif.
Devant cette apocalypse soporifique, on songe parfois à cette mauvaise blague aux mille variations : « Toc ! Toc !… Qui est là ? » Si raté soit-il, Knock at the Cabin n’est toutefois pas le pire film du réalisateur d’After Earth (Après la Terre).
Shyamalan parvient par exemple à instiller et à nourrir une tension qui, de-ci, de-là, devient insoutenable… pour peu que le bavardage ne vienne pas la dissiper. De trop rares touches d’humour allègent à l’occasion la solennité ambiante, une autre caractéristique du cinéma de Shyamalan. Shyamalan qui, il faut le lui reconnaître, possède un indéniable sens de l’espace et de la composition.
Pas de surprise à la fin
Le principal atout du film, cela étant dit, est Dave Bautista, alias Drax dans la saga Guardians of the Galaxy(Les gardiens de la galaxie). Le comédien, qu’on savait déjà doué pour le drame depuis Blade Runner 2049, offre une performance sentie dans le rôle du chef des illuminés.
Les autres interprétations s’avèrent en revanche très inégales, la faute en incombant, comme on l’évoquait, davantage à la direction d’acteurs qu’au talent de ceux-ci. Cela vaut malheureusement pour Jonathan Groff (Eric) et Ben Aldridge (Andrew), ce couple homoparental qui, veille d’Armageddon ou pas, ne s’embrasse ni ne s’étreint. Même pas un petit bec : il ne faudrait pas faire peur au monde.
Les effets spéciaux tardifs sont par ailleurs de piètre qualité : le réalisateur nous a habitués à mieux.
Écrit à trois, le scénario est inspiré d’un roman fort bien reçu de l’auteur américain Paul Tremblay. Manifestement, quelque chose s’est perdu dans le processus d’adaptation. Des règles arbitraires sont énoncées d’entrée de jeu, mais certaines seront brisées avec une désinvolture narrative frustrante, la logique interne n’étant pas la force du film. Des retours en arrière maladroits « ouvrent » le huis clos, qui aurait pour le compte gagné à demeurer claustrophobe…
Plus le film avance et plus les bondieuseries passent à l’avant-scène, à un point tel que Knock at the Cabin serait tout à fait à sa place dans le courant du cinéma chrétien (Christian Movies ou Faith Cinema), mouvance très populaire depuis quelques années aux États-Unis.
Lui qui a fait sa réputation en sortant presque toujours de son chapeau une grande révélation finale (« twist ending »), quitte à sombrer dans l’autoparodie involontaire, M. Night Shyamalan s’en abstient pour une fois. Enfin, si l’on veut, la nature véritable des intrus explicitée lors du dénouement ayant été établie en amont. Or, dans ce cas-ci, une ultime surprise n’aurait pas nui. Quoi qu’il en soit, cette porte-là, on ne la rouvrira pas.