«The Pale Blue Eye»: Christian Bale s’efface

Christian Bale incarne le personnage d’Augustus Landor dans le film « The Pale Blue Eye ».
Photo: Scott Garfield Netflix Christian Bale incarne le personnage d’Augustus Landor dans le film « The Pale Blue Eye ».

A priori, The Pale Blue Eye détient des ingrédients clés d’un captivant film policier : une mystérieuse histoire de meurtres en série, une distribution étoile ainsi qu’un protagoniste inspiré du poète Edgar Allan Poe. Or, le film échoue à élever ses acteurs — dont Christian Bale — à leur plein potentiel et souffre d’un dénouement décevant.

Réalisée par Scott Cooper (Crazy Heart et Au coeur du brasier), cette production est une adaptation du roman du même nom, écrit par l’Américain Louis Bayard et publié en 2003. Situé sur le campus de l’académie militaire de West Point, dans la vallée de l’Hudson, en 1830, le récit original est inspiré de l’oeuvre de Poe, tout comme l’ambiance lugubre du film.

L’auteur du Corbeau a d’ailleurs véritablement étudié à West Point à la même période. L’histoire qui nous est présentée dans le film demeure toutefois complètement fictive. On suit l’inspecteur vétéran Augustus Landor (Christian Bale), qui est chargé d’enquêter sur une série de meurtres sordides qui surviennent à l’académie. Un jeune cadet, Edgar Allan Poe (Harry Melling), se lie d’amitié avec lui et l’aide dans son enquête, des années avant qu’il ne soit révélé au public comme écrivain.

Harry Melling brille, Christian Bale pâlit

The Pale Blue Eye jouit d’une impressionnante distribution, qui comprend également Gillian Anderson, Robert Duvall, Timothy Spall, Toby Jones et même Charlotte Gainsbourg. Hélas, l’enchaînement presque mécanique, voire forcé, des rebondissements dans le récit nuit à la performance des comédiens, surtout à celle de Christian Bale.

L’acteur, qui s’est démarqué dans American Psycho et plus récemment dans Vice, cède plutôt sa place, ici, au brillant Harry Melling, qui incarne toute la verve et la sensibilité d’un jeune Edgar Allan Poe. Ce comédien britannique, qu’on a connu pour son rôle de Dudley Dursley dans la saga Harry Potter, confère même une dimension comique nécessaire à son personnage, dans un récit autrement assez sombre.

L’Edgar Allan Poe qu’on retrouve dans le film pourrait cependant laisser les admirateurs du poète sur leur faim. Souvent réduit à son alcoolisme, à sa personnalité flamboyante et à sa facilité à se faire des ennemis, il frôle la caricature. Heureusement pour Harry Melling, on comprend qu’il s’agit essentiellement d’un souci de scénarisation, et non de lacunes dans sa performance.

Photo: Scott Garfield Netflix Une scène tirée du film « The Pale Blue Eye »

Présenté en exclusivité sur Netflix, The Pale Blue Eye n’a connu qu’une poignée de projections en salle avant sa sortie en ligne. Il demeure d’ailleurs parfaitement adapté aux visionnements plus distraits auxquels on s’adonne couramment à la maison, puisqu’il repose essentiellement sur l’attente créée par l’enquête et que celle-ci s’avère, au moins, fort divertissante.

On a même l’impression que Scott Cooper aurait dû en faire une série télé. Dans le film, l’émotion et le suspense tombent à plat, dans un dénouement mélodramatique décevant qu’on ne divulgâchera pas ici. On peut néanmoins préciser qu’il concerne un secret que cache le personnage de Christian Bale. Ses actions dans les scènes finales paraissent presque injustifiées tellement sa psychologie n’est que superficiellement abordée.

Avec plus de temps, le cinéaste aurait pu non seulement approfondir davantage chacun de ses personnages, mais aussi faire mieux respirer son récit, qui demeure très dense au point de paraître monotone. Visiblement soignée, sa mise en scène adopte également des codes télévisuels. Elle omet ainsi de donner lieu à de véritables moments de grâce dignes des grands films Netflix tels que Roma ou Marriage Story.

The Pale Blue Eye plaira à tout le moins aux cinéphiles avides d’un bon divertissement et d’un film d’enquête sans prétention. Mais peut-être pourrait-on aussi trouver de meilleures manières d’investir ses deux longues heures, comme en lisant, pourquoi pas, un livre de Poe.

The Pale Blue Eye

★★★

Suspense d’époque de Scott Cooper. Avec Christian Bale, Harry Melling, Gillian Anderson, Robert Duvall, Timothy Spall, Toby Jones et Charlotte Gainsbourg. États-Unis, 2022, 128 minutes. Sur Netflix.

À voir en vidéo