«Avatar: The Way of Water»: un film qui prend l’eau

Ils sont de retour, Neytiri et Jack, les amoureux tout bleus. Ce dernier était autrefois un homme vivant par procuration dans la peau d’un avatar conçu à l’image des Na’vis, peuple habitant la planète Pandora, exploitée par les humains pour un précieux minerai. C’était en 2154, alors que la Terre avait été vidée de ses ressources. Dix ans ont passé depuis la révolte menée par Neytiri et Jack, qui est désormais et pour toujours un Na’vi. Malgré la victoire d’hier, la menace plane à nouveau sur Pandora : damnés humains ! Voici donc les époux et leur progéniture nombreuse accueillis, loin de la forêt, par des Na’vis vivant en harmonie avec l’océan. Treize ans après le mégasuccès d’Avatar, James Cameron a-t-il réussi à se surpasser ?
Sur le plan visuel, assurément : en IMAX 3D, Avatar: The Way of Water (Avatar. La voie de l’eau) déploie un univers à quelque 400 millions de $US encore plus immersif qu’en 2009.
Pour l’essentiel, ce second volet obéit à la règle tacite des suites, à savoir : plus de tout. Ainsi a-t-on droit à plus d’action, à plus de personnages, à plus de sous-intrigues, à plus de lieux et, évidemment, à plus d’effets spéciaux, effets surpassant ceux, déjà novateurs, du premier long métrage.
Au coeur du film se trouve le même message écologiste que précédemment. À cet égard, James Cameron est depuis des années un militant convaincu, à l’instar de l’une de ses idoles, le génial cinéaste d’animation Hayao Miyazaki (Princesse Mononoké, Le château dans le ciel), dont l’influence était très — trop au goût de plusieurs — perceptible dans le premier Avatar.
Déjà, dans Terminator, il abordait la question de la fin de l’humanité à travers ces visions d’un futur dévasté dominé par des robots de guerre créés jadis par l’homme. Terminator 2 constitue pour le compte un exemple éloquent de suite offrant au public « plus de tout ». On pourrait même ajouter au lot, bien que Cameron n’eût pas réalisé le premier, Aliens, qui multiplie monstres, trépidations et explosions dans un contexte de colonisation intergalactique qui a mal tourné — un peu comme dans Avatar, tiens.
Là encore en un motif récurrent, le réalisateur, qui dans la majorité de ses films a conçu ou contribué à maintes avancées techniques, présente la technologie comme une arme à double tranchant capable de perdre autant que de sauver les gens. La suite d’Avatar se poursuit dans cette lignée, mais laisse entrevoir un rejet de la science des humains au profit d’une science des éléments : selon la scientifique Grace Augustine (Sigourney Weaver), qu’on revoit brièvement, la planète Pandora formerait un « tout » qui pense, ressent et agit de manière concertée.
Il y a fort à parier que cette hypothèse sera explorée plus avant dans les volets ultérieurs.
Effets spéciaux spectaculaires
Comme en 2009, les effets spéciaux spectaculaires constituent la raison première de voir le film. Omniprésents, ils paraissent pourtant invisibles : les vastes panoramas en toile de fond, les textures végétales et sous-marines (les scènes aquatiques sont vraiment magnifiques), le grain de la peau des Na’vis… Tout est d’une réalité palpable.
À propos des Na’vis, les interprètes se sont à nouveau prêtés avec aisance à l’exercice de capture de mouvements afin de conférer une fluidité de gestes et d’expressions hyperauthentique.
L’histoire, dans tout ça ? Après s’être fait reprocher l’intrigue un brin simpliste (et empruntée) de son premier opus, c’est comme si James Cameron avait voulu aller dans la direction opposée en accroissant récits et enjeux secondaires, d’où cette impression d’éparpillement. Militaires sur le sentier de la guerre, parents na’vis, enfants et adolescents (très archétypaux) : chacun semble jouer dans son propre film. Un des fils paraît jouer dans un remake na’vi de Free Willy (Mon ami Willy) !
Finalement, tardivement, il y aura convergence au dénouement. Le pire, c’est que, malgré le côté fourre-tout du scénario, celui-ci s’avère très prévisible.
Cameron repique en outre plein d’éléments narratifs à ses films passés, à Aliens et à Titanic en particulier (à la fin, c’en est gênant). Des coïncidences énormes, comme ces deux occasions où les enfants de Neytiri et Jack se retrouvent au mauvais endroit au mauvais moment, juste comme le vil colonel Miles Quaritch (de retour, et toujours aussi caricatural) est là pour les capturer, font lever les yeux au ciel. Oh, et il y a ce personnage dont on taira l’identité qui, sans crier gare, développe et maîtrise des superpouvoirs providentiels.
Plus bavard, plus ringard
Le film est par ailleurs plus bavard qu’à l’accoutumée pour Cameron, qui, çà et là, succombe au prêchi-prêcha. Il insiste, surligne, surexplique le message par la bouche de ses personnages, narre en voix hors champ par l’entremise de Jack… Il y a énormément de blabla et d’épisodes redondants : le conflit entre le fils aîné parfait et le benjamin rebelle, la tension entre ce dernier et son père, Jack (Sam Worthington) : du déjà vu, du convenu.
Et qu’en est-il de la redoutable Neytiri (Zoe Saldaña) ? Ses prodigieux dons d’archère sont sollicités au début et à la fin, point. Dans l’intervalle, elle s’est muée en bonne mère et conjointe qui écoute son homme — le film donne beaucoup dans des thèmes du genre honneur familial, papa a raison et chef (non pas cheffe) de clan : déconcertant, et ringard, venant d’un cinéaste champion des personnages féminins émancipés et durs à cuire. Afin de s’assurer qu’on a bien compris, Cameron fait déclarer à Jack, en conclusion : « Le rôle d’un père est de protéger sa famille. » Qu’importe si, en l’occurrence, c’est la mère la meilleure guerrière.
Quant à la durée de plus de trois heures, sérieusement, une fois que tout est dit, un film de deux heures aurait suffi.
Puisque James Cameron avait annoncé qu’il y aurait quatre suites à Avatar, on aurait pu craindre un dénouement en queue de poisson. Or, le réalisateur propose un opus qui se clôt de manière satisfaisante.