«Titanic», 25 ans plus tard

En figures de proue, Kate Winslet et Leonardo DiCaprio forment l’un des couples les plus emblématiques du 7e art...
Photo: Paramount Pictures et Twentieth Century Fox En figures de proue, Kate Winslet et Leonardo DiCaprio forment l’un des couples les plus emblématiques du 7e art...

La série A posteriori le cinéma se veut une occasion de célébrer le 7e art en revisitant des titres phares qui fêtent d’importants anniversaires.

En 1997, un titre de film était sur toutes les lèvres : Titanic. Le nouveau film de James Cameron, en tournage pendant sept mois après des années de recherches et d’avancées technologiques entreprises par le réalisateur toujours désireux de repousser les limites, était alors le plus coûteux de l’histoire du cinéma. Sachant que ledit navire avait notoirement sombré malgré ses velléités d’insubmersibilité, d’aucuns croyaient à un naufrage annoncé. D’autant que le film mettait en vedette deux jeunes interprètes certes doués, Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, mais n’ayant encore jamais eu à maintenir une superproduction à flot. On connaît la suite. Cela fait 25 ans ce mois-ci.

Au présent, une vieille dame est amenée en hélicoptère sur un navire dont l’équipage espère trouver un trésor — le diamant le Coeur de l’océan — dans l’épave du Titanic, qui sommeille de par le fond. Elle se prénomme Rose, et elle fut autrefois promise par sa mère à un homme riche mais cruel afin de renflouer les coffres familiaux. À bord du « Paquebot de rêve », elle fit la connaissance de Jack, un artiste sans le sou. Entre eux, ce fut la folle passion, brièvement…

« Le coeur d’une femme est un océan de secrets, murmure la femme de 101 ans. Mais désormais, vous saurez qu’il y avait un dénommé Jack Dawson, et qu’il m’a sauvée, de toutes les façons qu’une personne peut être sauvée. Je n’ai même pas une seule photo de lui. Il n’existe désormais que dans ma mémoire. »

Et Rose de se remémorer cette traversée qui bouleversa à jamais son existence…

Ici, on notera la présence d’une figure récurrente dans le cinéma de James Cameron, soit celui d’une femme farouchement indépendante qui a survécu à des événements incroyables et qui, justement, peine initialement à convaincre ses interlocuteurs de la prendre au sérieux. On songe ici à Ellen Ripley, au début d’Aliens (Aliens, le retour), et à Sarah Connor, au commencement de Terminator 2 : Judgement Day (Terminator 2 : le jugement dernier).

Un spectacle intime

Cameron reprend en outre un procédé narratif qui revient fréquemment dans son oeuvre et qui consiste à opposer le spectaculaire et l’intime. De fait, nombre de ses films développent des récits humains à petite échelle ; petite échelle qui, par contraste, fait paraître encore plus vaste et explosive la toile de fond. Ellen Ripley qui développe un attachement et un instinct de protection maternel envers la jeune Newt dans Aliens, les ex Lindsey et Bud qui se chamaillent, puis renouent dans Abyss (L’abysse), Sarah Connor qui renoue avec son fils après des années d’internement dans T2, Harry qui tente de reconquérir sa conjointe Helen dans True Lies (Vrais mensonges)…

L’histoire de Rose et Jack rend compte du même parti pris. En figures de proue, Kate Winslet et Leonardo DiCaprio forment l’un des couples les plus emblématiques du 7e art, avec les Vivien Leigh et Clark Gabler dans Gone with the Wind (Autant en emporte le vent), Ingrid Bergman et Humphrey Bogart dans Casablanca

Photo: Merie Weismiller Wallace Cameron reprend en outre un procédé narratif qui revient fréquemment dans son oeuvre et qui consiste à opposer le spectaculaire et l’intime.

Ceci expliquant cela, Winslet et DiCaprio furent aussitôt catapultés au firmament des stars. Sauf que pour les principaux intéressés, le choc fut violent. Au cours des années suivantes, la première privilégia les productions indépendantes. Quant au second, il confia à Chrissy Iley, du journal The Observer, avoir vécu un « syndrome de détresse post-Titanic » : « Le genre de gloire qui fait que tout le monde veut vous parler, mais personne ne veut vous écouter », résumait la journaliste.

L’acteur s’en est remis, on l’aura compris.

Épopée hollywoodienne

Loin, très loin de rencontrer un sort comparable à celui du tristement célèbre paquebot, Titanic fit courir les foules dès sa sortie et transporta la plupart des critiques. L’influent Roger Ebert l’encensa à la télé et lui accorda la note maximale dans le Chicago Sun-Time : « Le film de 194 minutes et 200 millions de dollars de James Cameron sur ce voyage tragique s’inscrit dans la lignée des grandes épopées hollywoodiennes. Il est parfaitement conçu, intelligemment construit, doté d’interprétations fortes et il est envoûtant. Si son histoire se cantonne à des formules traditionnelles pour de tels films, eh bien, vous ne vous attelez pas au film le plus cher jamais réalisé afin de réinventer la roue. »

Dans les pages du Devoir, la collègue Odile Tremblay y allait d’un verdict similaire. « Dirigeant une armée de 1500 figurants, Cameron a su fignoler chaque élément d’une vraie fresque », écrivait-elle, saluant « la superproduction hollywoodienne la plus imposante et la mieux achevée de ces dernières années. »

Dans le Los Angeles Times, Kenneth Turan fut l’un des rares à couler le film : « Tout comme l’hybris des constructeurs navals entêtés qui ont insisté sur le fait que le Titanic était insubmersible a conduit à une catastrophe maritime sans précédent, l’orgueil démesuré de Cameron a inutilement failli faire chavirer ce projet. »

Qu’à cela ne tienne, Titanic noya les grincheux dans son sillage et arriva à bon port, faisant une razzia aux Oscar : 11 statuettes sur 14 nominations, dont meilleur film et meilleure réalisation, et évidemment, meilleure chanson pour My Heart Will Go On, immortalisée par Céline Dion. À noter qu’à la base, Cameron ne voulait pas d’une chanson-thème, mais fut séduit par le brio de la chanteuse, tout en faisant le calcul que la perspective d’un succès musical rassurerait les studios.

Vérité émotionnelle

Le film allie souci du détail et désir de divertir en recourant à une recette éprouvée, c’est-à-dire la pièce Roméo et Juliette, de Shakespeare, Rose et Jack n’étant pas captifs de leurs clans, mais de leurs classes sociales respectives. Transparent, Cameron ne s’en est jamais caché, non plus du fait qu’il s’est inspiré du film de A Night to Remember (Atlantique, latitude 41°), dont il a repris certaines séquences et répliques.

Parlant de répliques, celle qui fut la plus parodiée, parce qu’elle s’inscrivit illico dans la culture populaire, fut improvisée par le cinéaste. En effet, le « Je suis le roi du monde ! » (« I’m the king of the world ! »), lancé par Jack, fut suggéré par Cameron, au déplaisir de DiCaprio. DiCaprio qui, pour l’anecdote, faillit perdre le rôle, ayant d’abord refusé, pour ensuite se raviser, de se soumettre à un essai-caméra en présence de Winslet, embauchée avant lui.

Sur le plan historique, la reconstitution et les divers développements restent impressionnants, à défaut d’être toujours véridiques. Mais comme l’expliquait James Cameron à l’époque à l’animateur Charlie Rose, son but était de créer « une vérité émotionnelle » et une « métaphore de la fin du monde ».

Or, lorsque sonne l’heure de l’Armageddon, représenté par le funeste iceberg, les riches ont droit aux canots de sauvetage sur le pont, tandis que les pauvres boivent la tasse aux étages inférieurs. Le commentaire social n’est guère subtil, mais qui pourrait remettre en doute sa justesse, 25 ans plus tard, en pleine urgence climatique ?

Égal à lui-même, James Cameron s’apprête à dévoiler un autre ambitieux pari : la suite d’Avatar, imparti d’un budget pharaonique, et dont l’original avait détrôné Titanic comme film le plus payant de tous les temps. À nouveau, il est des devins pour prédire un échec, mais l’histoire a prouvé qu’il est hasardeux de parier contre James Cameron. Qui plus est, le réalisateur retrouve pour l’occasion Kate Winslet : gageons que ça lui portera chance.

Le film Titanic est disponible en VSD sur la plupart des plateformes.



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