«Petite nature»: se faire malmener et aimer ça

Une scène du film «Petite nature»
Photo: Avenue B Productions - France 3.Cinéma Une scène du film «Petite nature»

Notre histoire se passe en Lorraine, région française mieux connue pour ses tueurs en série que pour ses sites touristiques. Et la facette que nous en montre le réalisateur Samuel Theis dans son deuxième long métrage, Petite nature, n’améliorera pas l’image de marque de ce coin de l’Hexagone dont il est originaire.

Toujours avec un arrière-goût de vécu, Theis nous fait découvrir le petit Johnny, 10 ans, gamin plus futé que la moyenne, forcé d’agir comme un adulte dans un environnement familial malsain. Face à un horizon en cul-de-sac, il ne rêve de rien. L’arrivée d’un nouvel enseignant va progressivement le faire entrevoir des perspectives bien plus vastes.

Un milieu de vie empoisonné

 

Caméra à l’épaule et navigant presque dans les eaux du documentaire, Samuel Theis peint à l’acide un milieu de vie empoisonné. Après Party Girl, son premier long, qui lui avait valu la Caméra d’or à Cannes en 2014, le réalisateur et scénariste ne faiblit pas avec ce nouveau film abrasif et puissant.

Cela commence par un scénario très fort, dérangeant, violent même. Le Lorrain malmène notre petit coeur sans retenue en enchaînant les ascenseurs émotionnels presque sadiques. Sa meilleure arme est notre imagination. Theis sème des indices pour nous laisser imaginer le pire, avant de nous figer dans l’incompréhension et finalement de nous montrer qu’il a pu trouver encore pire.

Mais à côté du pire, il y a aussi le meilleur à voir. Car Petite nature n’est pas tant la description corrosive d’une famille à problèmes que l’apprentissage de Johnny sous la houlette d’un enseignant qui le fascine au plus haut point.

La caméra suit son point de vue, et la réalisation se fond dans les yeux de ce jeune héros pour porter sur le monde le même regard d’enfant désabusé. Son cheminement personnel est, lui, filmé avec beaucoup de douceur. On se sent le coeur soyeux devant cette histoire d’un enfant qui voit s’ouvrir devant lui un horizon plus radieux.

Le film navigue ainsi entre une esthétique documentariste et une esthétique contemplative qui entremêlent brillamment la mélancolie, la tendresse et l’âpreté. La musique, presque superflue, se fait discrète pour mieux laisser les images parler d’elles-mêmes.

Trouver la perle

 

Pour porter ce film sur ses frêles épaules, Samuel Theis a débusqué une perle. Aliocha Reinert est miraculeux. Lui dont c’est le premier film fait une prestation incroyablement poignante dans le rôle de Johnny et se montre criant de véracité de bout en bout. Si Johnny est fasciné par son instituteur, le spectateur, lui, est fasciné par Aliocha. La complicité du jeune acteur et de son partenaire, le césarisé Antoine Reinartz, est immédiate et irradie dans chaque scène. Les interprètes ont, pour leur faciliter la tâche, d’excellents dialogues que leur a mitonnés Samuel Theis.

Les personnages qu’il leur a écrits sont d’une franchise désarmante, et leurs répliques, des tirs à balles réelles qui font toujours mouche. La preuve, vous ne sortirez pas intact de ce film.

Petite nature

★★★★

Drame de Samuel Theis avec Aliocha Reinert, Antoine Reinartz et Mélissa Olexa. France, 2022, 95 min. En salle.

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