«Glass Onion: a Knives Out Mystery»: argent, meurtre et hilarité

Mercredi prend l’affiche la comédie policière Glass Onion: a Knives Out Mystery (Glass Onion. Une histoire à couteaux tirés), dans laquelle Daniel Craig reprend le rôle du détective Benoît Blanc. Dans les listes de films à venir, cette production revenait constamment parmi les plus attendus de 2022. Cela, parce que le premier opus de ce qui est à présent une série fut un beau et gros succès surprise en 2019. Cette fois, si ledit succès se répète, personne n’en sera étonné. En effet, ce second volet est réjouissant et ingénieux à souhait.
On se souviendra que Knives Out fut en lice pour l’Oscar du meilleur scénario original. C’était là une douce vengeance pour le scénariste et réalisateur Rian Johnson, dont le film précédent, The Last Jedi (Le dernier Jedi), s’était avéré le plus clivant de la saga Star Wars. L’épisode final commandé à J.J. Abrams, Rise of Skywalker (L’ascension de Skywalker), s’apparentait à un désaveu.
Bref, c’est peut-être ce qui explique que, pour son film suivant, Knives Out, Johnson eût décidé de revenir à ses premières amours, soit le film policier mâtiné de pastiche : pour mémoire, son premier film, l’excellent Brick, est une transposition adolescente et moderne, mais avec parlure d’antan, des romans noirs classiques comme ceux de Dashiell Hammett. Pour sa part, ce qu’il convient désormais d’appeler « l’univers cinématographique Knives Out » rend hommage au « whodunit » en général, et à Agatha Christie en particulier.
À nouveau, on est en présence d’un groupe d’invités réunis dans une vaste propriété, avec meurtre(s) à la clé. Les futurs suspects sont d’anciens copains de l’université réunis sur une île grecque privée : Claire, une politicienne en vue (Kathryn Hahn), Lionel, un scientifique de haut vol (Leslie Odom Jr.), Birdie, une ex-mannequin femme d’affaires (Kate Hudson), Duke, un influenceur masculiniste (Dave Bautista), et Miles, un magnat des technologies de pointe multimilliardaire (Edward Norton), qui est également le maître de céans.
S’ajoutent les assistants et autres amoureuses… Sans oublier Cassandra (Janelle Monáe), en conflit avec Miles pour une raison qu’on taira.
Or, comme au menu de ces retrouvailles, une soirée « meurtre et mystère » est prévue, le célèbre détective Benoît Blanc est de la partie. Voilà qui se révélera commode lorsqu’un cadavre s’invitera à la fête. En dévoiler davantage gâcherait le plaisir. Et plaisir, il y a.
Répliques tranchantes
Il faut dire que Glass Onion respecte la règle tacite des suites, qui consiste à reprendre et à amplifier ce qui a fonctionné la fois d’avant : l’intrigue est encore plus (délicieusement) alambiquée, l’action, encore plus (furieusement) rocambolesque, et la satire, encore plus (redoutablement) aiguisée.
Comme dans Knives Out, Rian Johnson fait flèche de tout bois avec ses dialogues : les répliques fusent, tranchantes, hilarantes, et pleines d’acuité dans ce qu’elles constatent, déplorent ou dénoncent. Car, après s’en être pris aux iniquités sociales et au racisme insidieux liés à celles-ci, Rian Johnson tire à boulets rouges sur les ultrariches : ce « club des 1 % » qui possède trop, mais veut davantage.
D’ailleurs, au vu des récentes frasques d’Elon Musk, Glass Onion paraît soudain presque modéré dans les accents parodiques insufflés au personnage de Miles, qu’Edward Norton joue avec une délectation manifeste.
Quant à la star du film, Daniel Craig, qui cherchait un brin ses repères dans Knives Out, il domine sans effort, passant de la répartie pince-sans-rire à la bouffée d’émotion intempestive avec aisance et justesse. Après avoir été épaulé par une infirmière immigrante suspectée de meurtre dans Knives Out, son détective s’adjoint ce coup-ci le concours de Cassandra, la paria de la bande. À l’évidence, Rian Johnson aime les femmes qui refusent de se laisser faire, les marginaux, les exclus…
À ce propos, il n’est pas surprenant que l’auteur ait décidé, après avoir maintenu le flou sur la question, d’établir que Benoît Blanc est queer. Le cinéaste ayant lui-même révélé la chose en amont de la sortie du film, on précisera simplement que cette information est livrée lors d’une chouette scène mettant en vedette un acteur très connu dont la filmo contient un film gai emblématique.
Dynamisme étourdissant
Le seul bémol par rapport à Glass Onion est que la distribution, aussi étoilée soit-elle, est dans l’ensemble moins mémorable que celle de Knives Out, où tout le monde brillait, sans exception.
Dans cette suite, hormis Craig et Norton, Dave Bautista, Kate Hudson et tout spécialement Janelle Monáe tirent leur épingle du jeu. En revanche, Leslie Odom Jr. et l’habituellement impayable Kathryn Hahn font un peu « tapisserie ».
Le brio de la mécanique horlogère conçue par Johnson et le dynamisme étourdissant de sa mise en scène viennent plus que compenser cette légère faiblesse. Et, oui, Benoît Blanc sera de retour dans un troisième film pour plus de sombres machinations homicides, Netflix ayant payé Rian Johnson 469 millions de dollars américains pour deux suites : une douce vengeance, cela aussi.