La SODEC reproche à Radio-Canada l’abandon du Gala Québec Cinéma

C’est au tour de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), le plus important bailleur de fonds du milieu cinématographique au Québec, de critiquer la fin de la diffusion du Gala Québec Cinéma à Radio-Canada. La SODEC demande également au diffuseur public, sinon de revenir sur sa décision, au moins de créer de nouveaux moyens pour favoriser la promotion des films d’ici, en tout respect de son mandat de base exigeant que la programmation renseigne, informe et divertisse.
« Tout ce qui touche la promotion, la distribution, la visibilité du cinéma nous concerne, parce qu’on finance ces activités et pas seulement la production des films, dit Louise Lantagne, présidente et chef de la direction de la SODEC, en entrevue au Devoir. On vient de perdre un morceau. La réflexion doit se poursuivre. Ce serait tout à l’honneur de la part du diffuseur public de dire qu’on va revoir la décision tous ensemble. »
Le choix de mettre fin à la diffusion de la cérémonie de remise des prix Iris (les anciens Jutra), annoncé en début de semaine, a été unanimement déploré par des organismes du secteur, des artistes et des chroniqueurs spécialisés. La chaîne généraliste de Radio-Canada (RC) diffusait le gala depuis 20 ans.
Des émissions spéciales
Le recul des audiences à moins de 500 000 téléspectateurs pour la mouture de juin 2021 a justifié le prononcé de sentence fatale. RC a toutefois promis de consacrer à l’avenir des émissions spéciales au cinéma, par exemple dans le cadre du talk-show Bonsoir Bonsoir !.
« La fin du gala nous concerne profondément », dit Mme Lantagne, qui dirige la SODEC depuis 2018. Auparavant, elle a occupé plusieurs hautes fonctions à Radio-Canada, dont celle de directrice générale de la télévision, de 2008 à 2014. « Je ne veux certainement pas jouer à la belle-mère avec mon alma mater. Je veux d’abord parler de nous, à la SODEC, et dire pourquoi nous sommes très déçus, comme le milieu. »
Elle explique que son organisme soutient toute la chaîne cinématographique et télévisuelle, de la production à la diffusion. La SODEC est le grand financier des écrans avec Téléfilm Canada et, à vrai dire, le principal au Québec. La Société peut injecter jusqu’à 4 millions dans un long métrage.
« Notre responsabilité ne s’arrête pas au financement, dit la présidente Lantagne. Notre responsabilité, c’est de soutenir la distribution, la diffusion dans les salles, l’exportation, la présence sur les marchés, la présence des réalisateurs dans les grands festivals. On ne lâche pas le produit, jusqu’à la fin. La promotion est aussi importante que la production. Un gala, c’est un moyen ultra-puissant de diffusion. Je m’excuse, mais rejoindre 485 000 personnes au mois de juin, c’est quelque chose de puissant. On ne peut pas se passer de la télévision. »
La SODEC consacrait en 2021 plus de 160 millions $ à ses programmes généraux et aux financements des entreprises cinématographiques, auxquels il faut ajouter environ 145 autres millions en crédit d’impôt. Les programmes d’aide à la promotion et à la diffusion totalisent une douzaine de millions. Québec Cinéma a reçu 182 500 $ pour organiser le dernier et ultime gala diffusé.
Un modèle à revoir ?
La SODEC n’a pas été consultée avant le coup de Jarnac. L’organisme a appris la fin de la fête télévisuelle des Iris à la réception du communiqué radiocanadien lundi. « Moi, je crois encore au gala, dit Mme Lantagne. Je crois encore à cette formule. Je ne crois pas que les diffuseurs vont arrêter de présenter les Gémeaux, le gala de l’ADISQ ou les Olivier. Je pense aussi que c’est toujours le moment de revisiter une formule, plus que jamais maintenant qu’on sort de la pandémie et que les salles ont besoin de retrouver leurs publics. »
La dirigeante évoque la possibilité de créer une célébration, sous une forme ou une autre, de toutes les productions québécoises produites pour les écrans. « J’aime bien parler de passerelle créative en fiction Web, télé, ciné. Je n’enlève rien au cinéma. » Elle souligne que les différentes plateformes s’échangent déjà des artisans, des artistes et même des sujets traités.
L’idée pourrait donc pointer vers une sorte de gala à la Golden Globes. Cette cérémonie annuelle récompense en même temps les productions de télé et de cinéma des États-Unis.
« On a un enjeu pour le développement des nouveaux publics, en télévision comme en salle, dit Mme Lantagne. Il faut aussi réfléchir à la manière d’intéresser davantage les jeunes à nos productions culturelles. Dans ce sens, on ne peut pas se passer de la télé. »
Pourtant, les jeunes ne la regardent pas, ou presque pas. « Au Danemark, quand on crée une émission jeunesse, on n’ajoute pas juste un petit site Web à côté, répond la présidente. La promotion se fait partout, sur TikTok, partout. Il faut aller chercher le public où il est. Il nous faut aussi une réflexion sur la manière de développer des tentacules autour d’un média porteur comme la télé. »